Articles d’outre-tombe
★★★ Pour tout vous dire, de Joan Didion, Grasset, 214 p., 17 €. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Demarty, préface de Chantal Thomas.
le marque-page de nicolas ungemuth
Joan Didion a disparu le 23 décembre 2021. Elle n’a pas laissé de note d’adieux, se sachant condamnée par la maladie de Parkinson, elle a fait mieux : compiler des articles qui n’avaient jamais été publiés en livre. Pour tout vous dire n’est donc pas un assemblage de fonds de tiroirs conçu à la hâte par son éditeur après sa mort. C’est un ouvrage pensé, voulu, travaillé. Cette femme avait un talent immense. Comme Tom Wolfe, elle pouvait écrire des articles courts ou longs invariablement brillants, et comme Wolfe, elle a signé certains des plus grands romans que compte la littérature américaine. Il faut lire ou relire Une saison de nuits, Un livre de raison ou L’Année de la pensée magique, son récit bouleversant, dans lequel elle évoque la maladie de sa fille et la mort de son mari, faisant défiler leurs années communes, leur amour interrompu. Le deuil a rarement été aussi bien approché. Pour tout vous dire accumule des articles écrits entre 1968 et 2000. À Vogue, où elle a fait ses premiers pas – il y a pire pour débuter –, Joan Didion a déployé ses antennes, qu’elle avait gigantesques, et a apporté sa touche unique à ce que l’on a appelé le « nouveau journalisme ».
Puis tout le monde se l’est arrachée, du New Yorker au New York Times. Qu’elle parle de Nancy Reagan, de la presse underground, de Randolph Hearst, de son rapport à l’écriture, Didion est toujours grande car, outre son style divin, elle donne toujours à réfléchir : le but ultime de tous les écrivains dignes de ce nom. Ils ne sont pas si nombreux à l’atteindre.