HORREURS ET TERREUR WOKISTES
L’affaire est bien assez grave pour qu’un troisième livre sur le sujet paraisse en deux mois. Après François Aubel et Soazig Quéméner (La Dictature des vertueux) et Anne de Guigné (Le Capitalisme woke), Pierre Jourde apporte sa pierre à l’édifice de déconstruction d’un inquiétant danger intellectuel et moral : le wokisme. C’est-à-dire l’agression d’une société démocratique par des militants qui, au nom d’une minorité (ethnique, sociale, sexuelle, etc.), agissent selon des méthodes antidémocratiques. Violentes. Totalitaires. Pierre Jourde confesse être à peine mieux placé que les essayistes cités plus haut :
« Mâle cisgenre, plus hétérosexuel tu meurs, blanc à n’en plus pouvoir… » Du moins est-il un peu sauvé par ses enfants (deux métis) et ses origines
(« un joyeux panachage d’Auvergnats, d’Antillais, de Polonais, d’Arméniens et de Niçois »). Et surtout un engagement politique de toujours à gauche. Mais ce qui était jusque-là une vertu au pays du culturellement correct ne suffit même plus, constate, avec une amère autodérision, l’auteur merveilleux de La Littérature sans estomac.
Avec une plume qui n’a rien perdu de sa redoutée et cinglante férocité, Jourde multiplie les exemples affolants de cette « décolonisation des esprits » qui ressemble au « désembourgeoisement des cerveaux » de l’ère stalinienne. C’est un Frédéric Martel qui hurle à l’homophobie quand la famille et les spécialistes de Rimbaud refusent la panthéonisation du poète au côté de Verlaine. C’est l’ex-Monty Python Terry Gilliam viré d’un théâtre londonien pour s’être dit « fatigué que les hommes blancs soient accusés de tout ce qui ne va pas dans le monde ». C’est Disney qui juge ses propres productions d’antan « fautives » (Les Aristochats et
Dumbo sont des films désormais supposés racistes). C’est ce prof de l’université de Californie du Sud licencié pour avoir blessé des étudiants en prononçant le mot chinois « ni-ge » qui ressemble trop à « nigger » (nègre). C’est, a contrario, cette enseignante du Brooklyn College exposant que
« 2 + 2 = 4 pue le suprémacisme du patriarcat blanc ». Autant d’aberrations scandaleusement relayées, reprises, recrachées dans nos écoles, nos lycées, nos universités, nos médias… Conclusion courageuse et lucide de l’auteur :
« L’ordre moral, c’était la droite depuis le début de la IIIe République. Désormais, c’est la gauche. » On ne saurait mieux dire.