PétaIn, de Verdun à VIChy
Douze historiens ont répondu à une enquête sur le maréchal Pétain. Un livre qui n’échappe pas toujours à l’anachronisme et à l’amalgame.
Si Philippe Pétain était mort chez lui, une nuit de 1938, il serait resté, dans la mémoire française, ce qu’il était alors : une gloire nationale. La France comprendrait d’innombrables avenues du maréchal Pétain, et les livres d’histoire raconteraient l’itinéraire de ce grand soldat, encore colonel en 1914, général vainqueur à Verdun en 1916, populaire parmi les poilus pour son souci d’épargner les vies, et qui avait fini la Grande Guerre comme commandant en chef des armées françaises, passé sous les ordres de Foch, qui lui avait été préféré comme généralissime interallié, mais ayant obtenu son bâton de maréchal après l’armistice de 1918. Dans l’entre-deux-guerres, apprécié de Léon blum, Pétain passait pour un bon républicain mais, non marqué politiquement, il était respecté de tous. La séquence dramatique de l’occupation, une politique de collaboration qui allait entraîner le vieux maréchal là où il ne voulait peut-être pas aller initialement devait dégrader le prestigieux personnage au rang de proscrit. Près de quatre-vingts ans plus tard, les passions à son encontre ne sont pas éteintes, même chez certains historiens patentés qui s’évertuent à traquer de nos jours « le fantôme de Pétain ». sous ce titre, Philippe Collin, producteur à
France inter, a rassemblé les contributions orales de 12 chercheurs qui étudient chacun une facette de l’itinéraire de Philippe Pétain. Ces chercheurs, heureusement, ne sont pas tous de la même école. on évitera bénédicte Vergez-Chaignon, dont les considérations sur les goûts sexuels du futur maréchal ne prouvent rien, ou Pascal ory, champion de l’amalgame dont le texte « Pétain après Pétain » jette dans le même sac polémique de l’oas, le négationnisme, le rassemblement national et Éric Zemmour. on lira avec plus de profit le jugement de stéphane audoin-rouzeau sur Pétain chef de guerre (en 1914-1918), de Fabrice bouthillon sur le pétainisme comme « fantasme de gauche », d’annette Wieviorka sur les dissemblances entre la France de 1940 et celle de 2022, notamment sur le plan de l’antisémitisme qui ne surgit pas aujourd’hui là où il se trouvait jadis, ou d’olivier Dard, qui rappelle que les technocrates de Vichy ont posé des bases de la France moderne. L’échec de Pétain a été suffisamment tragique, pour la France comme pour son image posthume, pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en rajouter.
Le Fantôme de Philippe Pétain, une enquête de Philippe Collin, Flammarion/France Inter, 366 p., 22,90 €.