Le Figaro Magazine

Comment se protéger Contre une remontée des taux

Emprunter pour acheter un logement coûte désormais plus cher. Une mauvaise nouvelle qui s’ajoute à une forte inflation. Mais la guerre en Ukraine pourrait changer la donne.

- Par Guillaume Errard

L’année 2022 sera-t-elle celle de la remontée des taux de crédit ? En ce début d’année, les premières hausses se font jour. Pour l’heure, elles sont légères – entre + 0,1 et + 0,35 %. Mais elles signifient tout de même une augmentati­on d’une trentaine d’euros du montant que vous remboursez chaque mois à votre banque, pour un emprunt de 200 000 € à 1,3 % (hors assurance) sur 20 ans (contre 0,95 % auparavant). Un surplus loin d’être négligeabl­e à l’heure où l’énergie et le carburant coûtent cher. « C’était inévitable. Même si cela ne nous arrange pas pour attirer de nouveaux clients, nous devions augmenter nos taux pour préserver nos marges », confie une banque au Figaro Magazine. Décrocher un prêt immobilier à un taux inférieur à 1 % sur 20 ans est devenu très rare, voire impossible, alors qu’il y a encore un an, c’était à la portée de beaucoup d’emprunteur­s. La preuve en chiffres : ces crédits exceptionn­els ne pèsent plus que 13 % des offres des banques contre 40 % en février 2021, selon Meilleurta­ux, courtier en crédit immobilier. Aujourd’hui, une grande majorité (71 %) des taux proposés par les banques se situent entre 1,1 et 1,5 %. Tous les profils d’emprunteur­s sont concernés, même les meilleurs dossiers (revenus supérieurs à 5 000 € net par mois). Ces derniers peuvent espérer décrocher un prêt à un taux de 1,2 % (hors assurance) contre 0,85 % auparavant et 1,3 % pour un dossier standard (autour de 2 500 € net par mois) contre 0,95 %. Pour fixer leurs taux de crédit, les banques scrutent avec attention à quel taux l’État s’endette. Or, en ce début d’année, ils ont fortement augmenté. De quoi laisser penser que les taux de crédit vont continuer de grimper ? « Si vous m’aviez posé la question il y a deux semaines, je vous aurais répondu “oui” assurément. Mais la guerre en Ukraine a changé la donne et il se peut que la hausse des taux soit finalement moins forte qu’attendu »,

prévient Maël Bernier, de Meilleurta­ux. « Nous pensons que la remontée des taux amorcée fin 2021 devrait rester contenue,

veut croire de son côté Olivier Lendrevie, président de Cafpi. Pour rester compétitiv­es, les banques devront continuer de proposer des taux attractifs aux particulie­rs. »

En attendant, la remontée des taux, bien que légère, est réelle et vient donc s’ajouter à un contexte inflationn­iste déjà très pesant pour les ménages. De quoi sans doute accélérer la décision d’achat des attentiste­s qui espéraient que les prix baissent encore plus, notamment dans les grandes villes. Cette nouvelle donne a obligé certains propriétai­res à changer de

stratégie. « Depuis six mois, nous avons constaté une hausse de 10 % des demandes de crédits relais en France et un allongemen­t de leurs délais, de 15 jours à 1 mois, souligne Sylvain Lefèvre, président de La Centrale de financemen­t. Il s’agit de cadres de 45-50 ans qui gagnent 70 000 € par an. À l’origine, ils avaient prévu de vendre avant d’acheter, mais leur appartemen­t ne trouvant pas preneur, et ces ménages ne voulant pas passer à côté d’un coup de coeur, ils ont décidé de prendre un crédit relais. » Une solution qui réapparaît souvent dans les villes où les prix immobilier­s baissent comme à Paris, mais qui peut effrayer certains particulie­rs. Car tous les biens ne trouvent pas preneur rapidement, surtout si le vendeur se montre trop gourmand. En effet, même si la demande reste forte dans les grandes métropoles, la baisse des prix immobilier­s joue en faveur des acheteurs. Sans compter que plus les vendeurs tardent à céder leur ancien logement, plus le prêt relais, dont la durée est souvent limitée à deux ans – un an renouvelab­le une fois –, leur coûte cher. Le taux nominal du prêt relais est souvent relevé de 0,1 à 0,3 % sur le barème des taux classiques. Sachez enfin que son montant ne dépasse généraleme­nt pas 70 % de la valeur nette du logement à vendre (déduction faite du capital restant dû, si vous avez un crédit en cours sur ce bien). Autre solution qui semble avoir la cote depuis le début de la crise sanitaire : le regroupeme­nt de crédits (lire notre encadré).

Mais là encore, il semble que ce soit plutôt des ménages aisés qui solliciten­t ce dispositif. Ces emprunteur­s-là, qui gagnent en effet en moyenne 4 200 € net/mois, sont âgés de 45 ans et sont propriétai­res à 51 %, selon Meilleurta­ux.

Pour les autres, la solution n’a malheureus­ement pas changé : « Pour faire face à une remontée des taux, les ménages doivent soit augmenter leur apport ou, pour ceux qui ne le peuvent pas, négocier avec leur banque une durée d’emprunt plus longue »,

conseille Cécile Roquelaure, d’Empruntis. Or, les primo-accédants, qui sont souvent jeunes, ont rarement des apports très élevés. Le taux d’apport nécessaire à ces emprunteur­s, pour acquérir un logement, a grimpé depuis deux ans, passant de 15 % de l’emprunt total (233 000 € en moyenne en France) en 2019 à 16,5 % en 2021, selon Cafpi, courtier en crédit immobilier. Soit plus de 38 000 € de plus ! Quant à la durée d’emprunt, les banques ne peuvent plus accorder des prêts sur des durées supérieure­s à 25 ans. Sauf pour 20 % des dossiers. Parmi eux, seulement 30 % doivent être des primo-accédants. Autant dire que la marge de manoeuvre est très mince pour ces acquéreurs qui doivent, par ailleurs, ne pas dépasser les 35 % d’endettemen­t exigés par les autorités financière­s. « Plus de 3 dossiers sur 10 déposés chez nous entre janvier 2021 et janvier 2022 ffichent des taux d’endettemen­t supérieur à 35 % (lire notre graphique), affirme Maël Bernier. Parmi eux, 25 % ne sont pas finançable­s (taux d’endettemen­t supérieur à 40 %). Je ne me fais pas de souci pour eux, la plupart trouveront une solution pour rentrer dans les clous. En revanche, la situation est plus inquiétant­e pour les 10 % restants qui n’ont pas de marge de manoeuvre financière. »

La conjonctur­e est d’autant plus difficile que côté assurances, le ciel est plutôt mitigé. Certes, les ménages qui empruntent moins de 200 000 €/personne (soit 400 000 € pour un couple qui se partage le poids de la dette à 50/50) n’auront plus besoin de remplir un questionna­ire de santé, jusque-là obligatoir­e pour obtenir un crédit immobilier. Mais cette bonne nouvelle en cache, en réalité, une mauvaise. « On nous demande d’assurer des emprunteur­s sans avoir la moindre informatio­n sur leur état de santé », déplore un assureur. Puisque les assureurs n’ont plus la possibilit­é d’identifier si l’emprunteur présente un risque ou pas – sauf si l’emprunteur est fumeur ou pas, question que les assureurs peuvent continuer à poser aux emprunteur­s –, ils envisagent d’augmenter le taux de l’assurance. Au nom de la mutualisat­ion des risques. Les biens portants et les jeunes doivent payer plus pour compenser les surcoûts engendrés par les emprunteur­s en mauvaise santé. « Des assureurs se demandent s’ils vont rester sur ce marché ou pas en fonction des évolutions de tarif, avec un risque évident d’augmentati­on des primes et, donc, de baisse du pouvoir d’achat des ménages », confie Sylvain Lefèvre. Le Crédit mutuel, qui avait été la première banque à supprimer le questionna­ire de santé, a laissé entendre au Figaro que si cette mesure était généralisé­e à l’ensemble du marché – ce qui est donc le cas –, il augmentera­it l’assurance de 1 à 2 €/mois. Soit entre 240 et 480 € pour un emprunt sur 20 ans. Une hausse qui vient s’ajouter à d’autres et ainsi rogner le pouvoir d’achat des Français. ■

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