LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE ET LE DPE MONTENT EN PUISSANCE
La méthode de calcul du diagnostic de performance énergétique a changé. Et ce sont plusieurs centaines de milliers de propriétaires qui pourraient voir la valeur de leur bien se dégrader. Se préoccuper de performance énergétique devient indispensable.
En immobilier, tout est souvent affaire de confiance. Force est de constater que malgré les « gilets jaunes » et la crise de Covid-19, les Français ont toujours cru à la pierre. Reste à voir l’impact que la guerre en Ukraine aura sur le marché. Mais une réforme, sur toutes les lèvres des professionnels de l’immobilier, pourrait bien le crisper. Il s’agit du diagnostic de performance énergétique (DPE). Vous savez, la fameuse lettre – de A pour les biens très bien isolés à G pour les passoires thermiques – qui renseigne la performance énergétique du logement que vous vendez ou louez et qui, depuis le 1er janvier 2022, doit figurer sur toutes les annonces immobilières publiées par les professionnels comme les particuliers. Sinon, l’amende peut grimper jusqu’à 15 000 € pour les premiers et 3 000 € pour les seconds. Entré en vigueur le 1er juillet 2021, le nouveau DPE fait des vagues. Sa méthode de calcul plus précisément. Désormais, elle ne se base plus seulement sur la performance énergétique du logement mais aussi sur les émissions de gaz à effet de serre. Les paramètres du nouveau dispositif ont ainsi conduit à des écarts très importants de performance énergétique par rapport à son ancienne version, notamment pour les logements des immeubles construits avant 1975. Avec parfois de mauvaises surprises : la note énergétique est moins bonne qu’avant. Certains propriétaires ont même appris que leur appartement était devenu une passoire thermique avec le nouveau DPE. De quoi crisper les propriétaires désireux de louer leur logement. Car les biens classés F et G ne pourront plus être loués à partir respectivement de 2028 et 2025. Sans compter que l’acheteur ou le locataire peut se retourner contre le vendeur ou le propriétaire s’il a constaté une erreur sur le DPE. De quoi également jeter le trouble sur la fiabilité du nouveau dispositif. « La fiabilité est un vrai enjeu pour les diagnostiqueurs et doit être absolue, sans quoi nous aurons un problème de confiance », met en garde Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l’immobilier.
Une offre locative qUi se raréfie
Se pose ainsi la question de l’impact de la réforme sur le marché immobilier. Dans les grandes villes où la demande est forte, les vendeurs apparaissaient en position de force et la performance énergétique, même mauvaise, ne les faisaient pas flancher. C’était sans compter sur la crise sanitaire qui a fait chuter les prix et redonner le pouvoir aux acheteurs. «La performance énergétique devient petit à petit un critère pris en compte par les acquéreurs. La “valeur verte” va impacter les prix », confirme Me Frédéric Violeau, membre du Conseil supérieur du notariat. Même à Paris, il arrive qu’un bien, qui plus est de luxe, soit négocié à la baisse à cause, entre autres, de la performance énergétique. « Une acheteuse américaine a demandé à négocier le prix de vente d’un 70 m² à Saint-Germain-des-Prés (Paris 6e) parce qu’il ne disposait pas d’ascenseur et que l’appartement était une passoire thermique,
raconte Manuela Baron, directrice d’Émile Garcin Paris rive gauche. Elle a obtenu une baisse du prix de 20 000 € pour un bien vendu 1,4 million d’euros. » « Dans notre secteur du luxe, les acheteurs ne se préoccupaient pas du tout de ces paramètres énergétiques, admet Nicolas Pettex-Muffat, directeur général de Daniel Féau. Mais désormais pour les montages compliqués où le bien sera loué pendant un temps, les clients intègrent ces paramètres. »
Les premiers effets de la réforme du DPE, sur une grande ville comme Paris, se font jour : 33 % des 4 262 immobilières à la vente, passées au crible par PriceHubble pour Le Figaro,
sont des passoires thermiques contre 23 % avant la réforme (lire graphique). « C’est l’un des tout premiers signaux
qui met en évidence d’importants problèmes de calibrage de la réforme. À Paris, 33 % du parc de logement risque de sortir du marché locatif », décrypte Loeiz Bourdic, directeur de PriceHubble France. Pour éviter la raréfaction de l’offre locative, l’exécutif compte sur le fait que des propriétaires cèdent leur passoire thermique avant l’entrée en vigueur de la nouvelle interdiction de louer. Et il semble que les premières mises en vente se fassent jour. « C’est plutôt une bonne nouvelle puisque cela précède souvent des travaux de rénovation », se réjouit Emmanuelle Wargon. La ministre du Logement espère que MaPrimeRénov’, l’aide à la rénovation énergétique qui a bénéficié à ce jour à plus d’un million de propriétaires, en incite encore plus à rénover leur logement. Problème, et la ministre en convient, cette prime doit être améliorée pour faciliter les rénovations globales qui sont plus à même de renforcer la performance énergétique. Mais ce vaste chantier risque d’être difficile à mener à bien, notamment pour les appartements. « Comment isoler par l’extérieur des bâtiments dont la façade est protégée ? interroge Stanislas Coûteaux, fondateur de Book-A-Flat, spécialiste de la gestion locative haut de gamme à Paris, qui estime entre 500 000 et 700 000 le nombre de logements impactés par l’interdiction de louer. L’isolation intérieure des petites surfaces risque de réduire de manière importante la surface habitable. » Et ce d’autant plus qu’il va falloir rénover non pas 5 millions de passoires thermiques comme le pense le gouvernement, mais plutôt 7 à 8 millions, selon la Fédération nationale de l’immobilier.
« Les grandes opérations de rénovation thermique sont encore difficiles à équilibrer dans le logement, surtout pour des particuliers, estime Gabriel Franc, directeur général de l’agence Franc Architectes. Aujourd’hui, les chantiers sont surtout menés par des bailleurs sociaux ou avec le soutien de certaines municipalités impliquées sur ce sujet, comme Nemours. Les particuliers manquent encore vraiment d’accompagnement. »
Tout le défi consistera notamment à faire de MaPrimeRénov’une réelle aide à la rénovation globale comme le martèle le gouvernement, alors qu’à raison de moins de 3 500 € par dossier en moyenne, ce dispositif est actuellement avant tout une subvention à l’installation d’une nouvelle chaudière. Et le neuf dans tout cela, comment vit-il cette montée en puissance de la question des performances énergétiques du logement ? « Pour l’usager du logement, c’est extrêmement positif sans aucun débat possible, explique Nicolas Lacour, directeur régional du promoteur Ogic pour l’Île-de-France. Il y gagne en confort d’hiver mais aussi d’été et réalise de substantielles économies. Pour les investisseurs institutionnels, le principe est acquis également car ils misent sur le moyen long terme et veulent des logements capables de relever les défis climatiques. La question est plus délicate pour les investisseurs en Pinel, car ces logements ont un surcoût alors que les loyers sont plafonnés. Forcément, ils y perdent en rendement et il faudra voir comment le Pinel + intègre ces paramètres énergétiques avec des incitations fiscales. »
Le surcoût de construction de ces logements vertueux restera au centre de toutes les attentions d’autant qu’il va se cumuler aux inéluctables hausses de matières premières dont les effets se font déjà sentir. « Il faut compter, hors hausse des matières premières, 75 à 150 € supplémentaires du mètre carré, estime Patrice Pichet, fondateur du groupe Pichet. Ce n’est pas si énorme que cela. Il y a vraiment un mouvement qui s’est enclenché, le passage à la réglementation environnementale 2020 a été long et compliqué mais les choses se passeront pour les deux prochains rendez-vous, attendus en 2025 et 2028. » Un optimisme que tempère quelque peu l’architecte Gabriel Franc : « Actuellement, le neuf subit la triple peine, déplore-t-il. Les normes environnementales associées aux surcoûts de transports et de matières premières laissent présager une hausse de 8 à 10 % des coûts de construction et par ailleurs la RE2020 avec ses modes d’isolation fait perdre 3 à 4 % de surface habitable. »