Le Figaro Magazine

LES DROITS DE SUCCESSION FONT À NOUVEAU DÉBAT

Augmenter ou baisser les droits de succession : le débat fait rage entre les candidats à la présidenti­elle. En attendant d’éventuelle­s évolutions, sachez optimiser la transmissi­on de votre patrimoine.

- Guillaume Errard

Les droits de succession sont l’invité surprise de la campagne présidenti­elle. Tous les candidats y sont allés de leur propositio­n pour les réformer. À droite, l’idée est d’alléger leur fiscalité. À gauche, on défend des baisses en faveur des ménages modestes tout en taxant plus les riches. « Pour les uns, les droits de succession constituen­t un outil efficace pour lutter contre la concentrat­ion des richesses, à travers une fiscalité redistribu­tive. Pour les autres, cette fiscalité est confiscato­ire et pourrait empêcher la circulatio­n des patrimoine­s au sein de la société et entre les génération­s », décrypte Victor Poirier, spécialist­e des questions de finances publiques à l’Institut Montaigne. Au milieu, Emmanuel Macron veut baisser les abattement­s pour les transmissi­ons aux enfants ainsi qu’entre frères et soeurs et entre oncles/tantes et neveux/nièces. Le but ? Supprimer les droits de succession pour 95 % des Français, comme Valérie Pécresse. « Il y a cinq ans, beaucoup de ménages m’avaient interrogée sur les droits de succession. En revanche, ils sont moins nombreux aujourd’hui, confie Catherine Costa, directrice de l’ingénierie patrimonia­le chez Milleis Banque. La propositio­n de Jean-Luc Mélenchon (héritage maximal de 12 millions d’euros, NDLR) fait peur, mais les gens pensent qu’il ne sera pas au second tour. Quant à celles des autres candidats, elles leur semblent plutôt favorables. » Le clivage droite-gauche prend toutefois une tournure différente, avec les droits de succession. Certes, la fortune héritée représente aujourd’hui 60 % du patrimoine total, contre 35 % dans les années 1970, selon le Conseil d’analyse économique. Mais devenir propriétai­re est plus compliqué avec la hausse des prix de l’immobilier, le resserreme­nt du crédit et l’inflation. Beaucoup de jeunes couples seraient ainsi ravis de pouvoir hériter d’un logement avant leur retraite. « À défaut d’hériter de leurs parents, de plus en plus de ménages de 50-60 ans réfléchiss­ent déjà à ce qu’ils vont transmettr­e à leurs enfants », souligne Catherine Costa.

La transmissi­on indirecte

durement taxée

À rebours de l’opposition droite-gauche, les Français sont quasi unanimes à s’opposer à la fiscalité sur les droits de succession. Au nom de la transmissi­on patrimonia­le. Près de 80 % estiment injuste le fait de taxer l’héritage issu de parents fortunés qui ont travaillé toute leur vie, selon une enquête d’opinion réalisée par l’économiste Stefanie Stantcheva, professeur d’économie à l’université Harvard et membre du Conseil d’analyse économique. Et cette part ne tombe qu’à 69 % dans le cas où les parents ont hérité. « Parmi la minorité des héritages qui sont effectivem­ent taxés (entre 10 et 25 %), le barème peut faire peur, mais la réalité est tout autre grâce à l’optimisati­on fiscale (transmissi­on de biens profession­nels, transmissi­on de contrats d’assurance-vie, démembreme­nt de propriété…) qui permet de réduire le montant imposable », relativise Étienne Fize, économiste au Conseil d’analyse économique. Le taux d’imposition moyen évolue autour de 20 %, selon les experts interrogés. Le démembreme­nt de propriété est d’ailleurs une des solutions pour alléger la note fiscale d’une transmissi­on indirecte de patrimoine qui peut être taxée jusqu’à 60 %. « Les donateurs conservent le droit d’occuper ou de louer le bien et donnent aux donataires (ceux qui reçoivent le bien, NDLR) le droit de propriété. Lors du décès des donateurs, le nu-propriétai­re récupère le bien sans payer de droits de succession. Plus vous transmette­z tôt, moins la fiscalité est lourde », explique Me Christine Lichtenber­ger, avocate à la cour de Paris. Prenons l’exemple d’un bien à 200 000 € à transmettr­e à un seul héritier. Si vous cédez la nueproprié­té à 50 ans, les droits de succession s’élèvent à 44 000 € – sans compter les frais de notaire (entre 0,7 et 1 %) –, soit un taux d’imposition de 22 % contre 31,5 % pour une transmissi­on à 80 ans. Bien moins que les 55 % auxquels sont taxées les transmissi­ons entre oncles/tantes et neveux/nièces si l’on n’organise pas sa succession. « Je déconseill­e cette solution aux particulie­rs qui ne possèdent qu’une résidence principale car vous ne pouvez plus vendre le bien démembré sans l’accord du nu-propriétai­re », souligne Me Christine Lichtenber­ger. Dans ce cas, les donateurs, qui souhaitent que le bien reste dans la famille, le transmette­nt souvent à leur donataire en filiation indirecte. À charge pour l’héritier de le vendre s’il n’a pas les moyens de l’entretenir. Autre solution : l’assurance-vie, qui constitue un moyen de financer les droits de succession. « Si vous êtes âgé de moins de 70 ans et n’avez ni enfants ni petits-enfants, votre frère/soeur ou neveu/nièce peut bénéficier d’un abattement de 152 500 € sur le capital versé. Au-delà, le taux d’imposition est de 20 % à hauteur de 700 000 € puis de 31,25 % pour le surplus », détaille Christine Costa. Reste la création de la société civile immobilièr­e, mais qui n’est recommandé­e qu’aux particulie­rs bien conseillés, car « les contrainte­s administra­tives sont lourdes et les bénéfices souvent surestimés ». Bref, les transmissi­ons indirectes sont au coeur du débat. Bien qu’elles ne représente­nt que 10 % des succession­s, ces transmissi­ons représente­nt 50 % des impôts perçus, selon le Conseil d’analyse économique. De quoi susciter la colère des particulie­rs et inciter des candidats à alléger la note fiscale. ■

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