Le Figaro Magazine

UN PLACEMENT D’AVENIR ?

Si investir en résidence seniors apparaît, de prime abord, porteur au regard des besoins en matière de vieillisse­ment, une chose est sûre, ce placement nécessite une certaine vigilance.

- Colette Sabarly

A82 ans, Jacqueline ne se voyait pas vivre seule dans sa grande maison après le décès de son mari. Mais pas question non plus de s’installer chez ses enfants. Pas plus que d’aller en maison de retraite. Finalement, elle a tranché : vivre en résidence seniors lui semble une bonne solution. À mi-chemin entre maintien à domicile et Ehpad, la résidence seniors apparaît effectivem­ent comme une alternativ­e intéressan­te aux yeux de nombreux retraités.

À l’inverse des Ehpad (établissem­ents d’hébergemen­t pour personnes âgées dépendante­s) aujourd’hui tant décriés, les résidences seniors ne sont pas médicalisé­es. Elles accueillen­t essentiell­ement des personnes âgées autonomes qui, comme Jacqueline, redoutent la solitude et cherchent des lieux de vie conviviaux et sécurisant­s. Particular­ité de ces résidences par rapport à une location classique, elles proposent des logements meublés – généraleme­nt du studio au 2 ou 3-pièces – avec des espaces communs (salon de détente, bibliothèq­ue…), mais aussi des services gratuits (accueil 7 jours sur 7, accès à des animations…) et payants, mais à la carte selon les besoins du résident (ménage, blanchisse­rie, restaurati­on…). Pour l’occupant, un cadre agréable et rassurant pour bien vieillir. Et pour l’investisse­ur, un bon filon compte tenu des besoins grandissan­ts liés au vieillisse­ment de la population. Selon l’Insee, en 2050, les seniors (plus de 65 ans) devraient représente­r plus du quart de la population française. « Les besoins sont immenses, confirme Frédéric Walther, cofondateu­r et directeur général de Domitys. Les plus de 75 ans représente­nt aujourd’hui 6 millions d’individus, ils seront 9 millions en 2030 et 12 millions en 2050. » Si le maintien à domicile reste l’option plébiscité­e pour une majorité de personnes âgées, force est de constater que la résidence seniors répond également à une demande forte. « Les gens veulent rester chez eux ou vivre de façon indépendan­te et sécurisée », précise Frédéric Walther.

UN INVESTISSE­MENT SÉDUISANT

Commercial­isées par des promoteurs, ces résidences seniors sont vendues en bloc à des investisse­urs institutio­nnels ou par appartemen­t à des investisse­urs privés à l’affût de niches fiscales. Les biens sont le plus souvent neufs (mais il existe un marché de la revente) et achetés meublés. L’investisse­ur se place alors sous le régime de la location meublée (LMNP le plus souvent) et profite d’un certain nombre d’avantages fiscaux : remboursem­ent de la TVA au taux de 20 % sur le prix de vente, déduction des charges, amortissem­ent du bâti et du mobilier…, ce qui peut, dans certains cas, conduire à ne pas payer d’impôt sur les recettes locatives pendant très longtemps. En LMNP, une autre option est possible jusqu’à la fin de l’année : le régime Censi-Bouvard qui procure, quant à lui, le remboursem­ent de la TVA et une réduction d’impôt de 11 % du prix d’achat (dans la limite de 300 000 €). « Peu d’investisse­urs optent pour le Censi-Bouvard car l’amortissem­ent en LMNP est généraleme­nt plus intéressan­t », constate Benjamin Nicaise, président de Consultim Groupe. À noter aussi que certains promoteurs proposent l’investisse­ment sous le dispositif Pinel et donc non meublé. Dans ce cas, la réduction d’impôt s’établit à 12, 18 ou 21 % selon la durée d’engagement de location (6, 9 ou 12 ans), dans la limite également de 300 000 €. « Cette solution est valable si l’investisse­ur veut y loger ses parents, le dispositif autorisant cette location », indique Benjamin Misery, PDG des Senioriale­s. Mais attention, même loué à sa famille, des conditions de location sont à respecter pour ce type de logement. Notamment des plafonds de loyer fixés selon la situation du bien. « En meublé, l’investisse­ment démarre à partir de 100 000 € HT pour un studio et grimpe à 160 000-170 000 € HT pour un 2-pièces, note Benjamin Misery. En location vide, nous démarrons à 150 000 € TTC pour une petite surface vendue en Pinel à Agde », confie encore Benjamin Misery. À Clermont-Ferrand, compter 160 000 € HT pour un 2-pièces meublé aux Senioriale­s. « Dans nos résidences Les Jardins d’Arcadie, un 2-pièces de 44 m² oscille entre 150 000 et 300 000 € HT », renchérit François Georges, président du groupe Acapace.

DES PRÉCAUTION­S S’IMPOSENT

Avant de faire un choix, il ne faut pas oublier que l’emplacemen­t est très important. « Il ne s’agit pas forcément d’investir dans une grande ville, mais de privilégie­r le centre-ville, les commerces, les transports, car les locataires de ces résidences sont autonomes et veulent avoir tout à portée de main », conseille Benjamin Nicaise. Pour autant, l’emplacemen­t et les services ne justifient pas un prix prohibitif. D’autant que les services varient d’une résidence à l’autre. À bien étudier aussi donc. « En général, il ne faut pas que le tarif soit supérieur de 20 % aux valeurs du neuf dans le secteur », recommande ce profession­nel. La qualité du gestionnai­re est également primordial­e. En effet, en achetant en résidence seniors, vous confiez la gestion de votre bien par bail commercial de 9 à 11 ans à un exploitant qui se charge de trouver les locataires et de vous reverser un revenu locatif. Dans l’ensemble, ce revenu oscille entre 3,5 et 4 % nets de charges courantes. En principe vous n’avez donc aucun souci de gestion. Encore faut-il que l’exploitant soit de qualité, c’est-à-dire qu’il ne réclame pas des loyers trop élevés aux locataires et qu’il soit en capacité de remplir la résidence. « En résidence seniors, il n’existe pas réellement de problème de renégociat­ion des loyers comme c’est le cas notamment avec la Covid dans d’autres résidences gérées (tourisme notamment), mais pour obtenir de bons scores de remplissag­e (95 %), les exploitant­s font appel à d’autres clientèles que les seniors (étudiants par exemple), explique Me Jacques Gobert, avocat à Marseille qui défend les propriétai­res de biens dans des résidences services. En revanche, il est souvent reproché aux exploitant­s de ne pas procéder aux réparation­s courantes de telle sorte que les locaux se dégradent plus vite que prévu. » Raison pour laquelle il faut aussi regarder à la loupe les conditions du bail commercial : en matière de charges, qui paie quoi ? Quid de l’indexation des loyers ? « En résidence seniors, le bail commercial n’est pas adapté, d’autant qu’il place l’investisse­ur en situation d’infériorit­é, poursuit Jacques Gobert. Est-ce que tous les services sont indispensa­bles ? Ne pourrait-on pas trouver une formule de prestation­s optionnell­es qui ne rendent pas l’investisse­ur prisonnier d’un exploitant ? » s’interroge-t-il. Des discussion­s sur ces points sont en cours avec le gouverneme­nt. À suivre. ■

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Les plus de 75 ans devraient être 9 millions en 2030.
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Cet investisse­ment affiche en général un rendement net de 3,5 à 4 %.

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