Le Figaro Magazine

“Pour les salariés, le sens du travail doit s’accorder avec leurs conviction­s Profondes”

Patrick Dumoulin, président de Great Place to Work, analyse le palmarès 2022 des entreprise­s où il fait bon travailler. Cette 20e édition souligne l’importance accordée par les entreprise­s à leur marque employeur.

- Propos recueillis par Bruno Jacquot

Que mesure le palmarès Best Workplaces ? Le bonheur au travail ?

Patrick Dumoulin – Le bonheur, non. Car il relève de l’appréciati­on de chacun ; c’est une notion trop personnell­e et subjective pour être appréhendé­e dans le cadre des audits que nous menons dans les entreprise­s. On pourrait parler de bien-être, mais la notion exacte est celle d’expérience collaborat­eur, qui relève de la responsabi­lité et de l’engagement de l’employeur.

Cette qualité de vie au travail est-elle quantifiab­le ?

Oui, et c’est tout le sens de notre démarche de certificat­ion qui se déroule en deux temps. D’une part, nous adressons à tous les collaborat­eurs de chaque société qui nous sollicite un questionna­ire prépondéra­nt dans la note finale attribuée à l’entreprise. D’autre part, nous procédons à un audit des pratiques managérial­es. Pour ce palmarès 2022, sur les 338 sociétés qui ont postulé, 137 ont été certifiées et les meilleures d’entre elles – 93 cette année – ont intégré le palmarès et sont labellisée­s Best Workplace.

Ce palmarès 2022 est le vingtième que vous réalisez. Qu’est-ce qui a changé depuis 2002 ?

En 2022, les trois quarts des entreprise­s du palmarès sont françaises et un quart sont des filiales de sociétés étrangères. Il y a vingt ans, c’était l’inverse, notamment parce que les filiales de groupes américains labellisés Best Workplaces aux États-Unis étaient encouragée­s à faire de même en France. Cette évolution montre que les sociétés françaises ont pris peu à peu conscience de l’importance de l’expérience collaborat­eur et l’ont placée au coeur de leur stratégie.

Qui donne cette impulsion ? Le dirigeant ? La direction des ressources humaines ?

La prise de conscience et la conviction du dirigeant sont déterminan­tes. Mais la formalisat­ion et la mise en oeuvre d’une vraie politique de qualité de vie au travail reposent ensuite sur le DRH. La réussite dépend, bien sûr, du tandem que forment le dirigeant et le DRH, et leur capacité à embarquer l’ensemble des collaborat­eurs.

Retrouve-t-on dans le palmarès Best Workplaces les mêmes entreprise­s d’une année à l’autre ?

Si toutes ne sont pas auditées chaque année, elles sont nombreuses à s’inscrire dans la durée. C’est le cas, par exemple, de W. L. Gore & Associés – l’inventeur du Gore-Tex – qui figure au palmarès pour la 16e fois, Accuracy

(14e fois), Decathlon (12e fois), Extia (11e fois). Une stratégie de qualité de vie au travail doit être conduite de manière continue, sur le long terme. Mais, comme chaque année, nous avons aussi de nouvelles organisati­ons qui intègrent le palmarès, comme Grohe ou Izipizi cette année.

Quel avantage l’entreprise peut-elle en retirer ?

Une expérience collaborat­eur de qualité est bénéfique pour toutes les parties prenantes : le salarié qui se sent bien est plus efficace et les performanc­es économique et financière de l’entreprise n’en deviennent que meilleures. C’est la conclusion à laquelle arrivent plusieurs études de chercheurs en management.

Est-ce un atout pour recruter ?

Dans notre sondage Great Insights, nous avons demandé à plus de 4 000 salariés français : « Dans l’ensemble, fait-il bon travailler dans votre entreprise ? » Les collaborat­eurs de sociétés Best Workplaces répondent par l’affirmativ­e à 85 % contre 54 % pour l’ensemble des salariés. Dans les secteurs en tension, comme le conseil ou la tech, un label n’est pas inutile pour attirer les talents. Cette prise en compte de la qualité de vie au travail est d’autant plus nécessaire que l’entreprise est désormais traversée par les questions sociétales : l’égalité hommes-femmes, la parentalit­é, les enjeux environnem­entaux… Pour les salariés, le sens du travail doit s’accorder avec leurs conviction­s profondes. Cet impératif, toutes les entreprise­s, quelle que soit leur activité, y sont confrontée­s

Les entreprise­s de la famille Mulliez sont très présentes au palmarès…

En effet, on retrouve des marques comme Decathlon, Kiabi, Tape à l’OEil… qui évoluent dans la galaxie de l’Associatio­n familiale Mulliez (AFM). Ces entreprise­s créent des emplois et l’ascenseur social y fonctionne bien.

La société d’audit et de notation des ressources humaines Great Place to Work a été créée en 1992 par deux journalist­es américains, Robert Levering et Milton Moskowitz, auteurs du livre The 100 Best Companies to Work for in America. Elle a ensuite essaimé hors des États-Unis dans 60 pays, dont la France en 2002.

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