Le Figaro Magazine

ENTRE LES RÉSEAUX SOCIAUX ET LE TERRAIN, LE GRAND ÉCART DANS LE DISCOURS

- Vincent Jolly

Pour illustrer le décalage abyssal entre le discours des militants et sympathisa­nts Nupes sur les réseaux sociaux et celui tenu dans la « vraie vie », difficile de trouver plus éloquent que le cas de Taha Bouhafs. Car même avant l’annonce du retrait de sa candidatur­e aux législativ­es le 10 mai dernier, alors que l’on avait, depuis la lorgnette de Twitter, l’impression que la France (insoumise ou non) se déchirait sur le cas de ce journalist­e controvers­é, on n’en pipait mot chez les sympathisa­nts Nupes – y compris lors de la première convention de la Nupes, il y a deux semaines, à Aubervilli­ers. Ni les champions de Mélenchon intervenan­t sur scène ni le tribun lui-même n’ont profité des

2 000 personnes réunies ce jourlà pour galvaniser les troupes en s’indignant sur la supposée cabale médiatique lancée contre le journalist­e qui – s’il a depuis été révoqué – était l’une des têtes d’affiche de l’union de la gauche pour ces législativ­es.

Une omission qui s’explique, peut-être, par le fait que finalement les militants n’avaient cure de cette candidatur­e.

« Arrêtez de nous bassiner avec ça, l’important c’est de faire barrage à Macron, pas de se battre autour d’un candidat », nous rétorquait-on au meeting. Ce qui tranche avec le florilège d’envolées lyriques que l’on peut trouver sur Twitter comme : « Sa candidatur­e a été évincée car la France est un pays raciste qui ne veut voir dans ses instances de pouvoir que des Arabes soumis. »

L’anecdote illustre bien le grand écart que La France insoumise est contrainte d’effectuer afin de garder intact le souffle de cette fragile union : beaucoup de votants souhaitant se rassembler sous l’égide de la Nupes ne partagent pas toutes les positions extrêmes de LFI, ni même ses combats. L’écrasante majorité des personnes interrogée­s commence par invoquer des arguments principale­ment antimacron­istes comme raison de soutenir l’alliance tardive entre ces différents partis. « En finir avec ce système du profit avant tout » et s’opposer à ce gouverneme­nt qui

« n’a rien fait pour aider les plus démunis », nous assurait-on encore à Aubervilli­ers. Quid des 27 milliards d’euros dépensés avec la politique du quoi qu’il en coûte, qui a permis une quasinatio­nalisation des salaires pendant la pandémie ? « Il n’avait pas le choix », nous assure-t-on avant d’invoquer pêle-mêle le fameux smic à 1 400 euros et la sortie du nucléaire comme principale­s propositio­ns qui motivent l’adhésion au programme de la Nupes. Faut-il y voir la preuve que le « contre Macron à tout prix » porte ce mouvement plus que tout autre argument ? Alors que les accusation­s d’agressions sexuelles visant Taha Bouhafs alimentaie­nt la semaine dernière les débats et indignatio­ns de tout bord sur les réseaux sociaux, un sondage plaçait l’union de la gauche au-dessus de la majorité présidenti­elle au premier tour.

« Je n’étais même pas au courant de cette histoire d’accusation », avoue une jeune votante LFI/ Nupes. Qui maintiendr­a son vote le 12 juin prochain ?

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