ENTRE LES RÉSEAUX SOCIAUX ET LE TERRAIN, LE GRAND ÉCART DANS LE DISCOURS
Pour illustrer le décalage abyssal entre le discours des militants et sympathisants Nupes sur les réseaux sociaux et celui tenu dans la « vraie vie », difficile de trouver plus éloquent que le cas de Taha Bouhafs. Car même avant l’annonce du retrait de sa candidature aux législatives le 10 mai dernier, alors que l’on avait, depuis la lorgnette de Twitter, l’impression que la France (insoumise ou non) se déchirait sur le cas de ce journaliste controversé, on n’en pipait mot chez les sympathisants Nupes – y compris lors de la première convention de la Nupes, il y a deux semaines, à Aubervilliers. Ni les champions de Mélenchon intervenant sur scène ni le tribun lui-même n’ont profité des
2 000 personnes réunies ce jourlà pour galvaniser les troupes en s’indignant sur la supposée cabale médiatique lancée contre le journaliste qui – s’il a depuis été révoqué – était l’une des têtes d’affiche de l’union de la gauche pour ces législatives.
Une omission qui s’explique, peut-être, par le fait que finalement les militants n’avaient cure de cette candidature.
« Arrêtez de nous bassiner avec ça, l’important c’est de faire barrage à Macron, pas de se battre autour d’un candidat », nous rétorquait-on au meeting. Ce qui tranche avec le florilège d’envolées lyriques que l’on peut trouver sur Twitter comme : « Sa candidature a été évincée car la France est un pays raciste qui ne veut voir dans ses instances de pouvoir que des Arabes soumis. »
L’anecdote illustre bien le grand écart que La France insoumise est contrainte d’effectuer afin de garder intact le souffle de cette fragile union : beaucoup de votants souhaitant se rassembler sous l’égide de la Nupes ne partagent pas toutes les positions extrêmes de LFI, ni même ses combats. L’écrasante majorité des personnes interrogées commence par invoquer des arguments principalement antimacronistes comme raison de soutenir l’alliance tardive entre ces différents partis. « En finir avec ce système du profit avant tout » et s’opposer à ce gouvernement qui
« n’a rien fait pour aider les plus démunis », nous assurait-on encore à Aubervilliers. Quid des 27 milliards d’euros dépensés avec la politique du quoi qu’il en coûte, qui a permis une quasinationalisation des salaires pendant la pandémie ? « Il n’avait pas le choix », nous assure-t-on avant d’invoquer pêle-mêle le fameux smic à 1 400 euros et la sortie du nucléaire comme principales propositions qui motivent l’adhésion au programme de la Nupes. Faut-il y voir la preuve que le « contre Macron à tout prix » porte ce mouvement plus que tout autre argument ? Alors que les accusations d’agressions sexuelles visant Taha Bouhafs alimentaient la semaine dernière les débats et indignations de tout bord sur les réseaux sociaux, un sondage plaçait l’union de la gauche au-dessus de la majorité présidentielle au premier tour.
« Je n’étais même pas au courant de cette histoire d’accusation », avoue une jeune votante LFI/ Nupes. Qui maintiendra son vote le 12 juin prochain ?