EST-CE BIEN SÉRIEUX ?
LE MARQUE-PAGE DE NICOLAS UNGEMUTH ★★★ samouraï, de Fabrice Caro, Gallimard, « Sygne », 220 p., 18 €.
Non seulement je rechigne à rencontrer de nouvelles personnes mais toute vie sociale de manière générale m’est devenue physiquement pénible. » Ça ne va pas fort pour Alan. Son meilleur ami vient de se suicider, sa petite amie l’a quitté. Il précise que ces deux événements sont sans rapport. Auparavant, il a publié un premier roman que personne n’a acheté et dont personne n’a parlé, sauf le magazine Biba (« On rit beaucoup dans cette comédie où rien ne va ! »). À l’époque, il avait un rêve récurrent : passer à « La Grande Librairie », l’émission de François Busnel. Ce n’est pas arrivé. Lisa, avant de le quitter pour un spécialiste de Ronsard, lui a reproché de ne pas avoir écrit un « roman sérieux ». Le pauvre homme s’est senti doublement humilié. Depuis, il a de curieux problèmes d’audition que n’arrive pas à expliquer son ORL (« Il y a deux types de médecins, les “Peu de symptômes sont réellement graves” et les “Tout est potentiellement fatal” », le sien appartient à la première catégorie). Alors, il tâche d’écrire un livre digne de ce nom, tout en entretenant la piscine de son voisin parti en vacances. Dans l’eau qui devient glauque, de curieuses bestioles – des notonectes – se multiplient… Sa vie, déjà étrange, le devient un peu plus. Impossible de ranger Fabrice Caro dans une case. Il a inventé un style de BD unique, monochrome et sans mouvement – dont l’hilarant Zaï Zaï Zaï Zaï –, écrit des romans (Broadway, le précédent, était très réussi) et vient de réaliser un roman-photo avec Éric Judor, Guacamole Vaudou. Ce virtuose de l’absurde pose l’air de rien une question profonde : pourquoi la littérature devrait-elle être sérieuse ?