La Ferme des Lices est l’unique cave particulière de Saint-Tropez. Tout est charmant ici
considéré qu’en tant qu’investisseur alors qu’il était à la recherche d’un coup de coeur. “Viens en Provence, lui conseille un ami. Il y a des vignes et du soleil !” Dès qu’il est arrivé à Peyrassol, il a su que c’était là. La pierre, l’histoire. Le jour même de sa visite, il a rappelé la propriétaire, Françoise Rigord (dite la Dame de Peyrassol) pour lui assurer qu’il achetait. Sans même avoir discuté du prix. » Peyrassol, aujourd’hui, ce sont 1 000 hectares époustouflants. Près de 100 hectares de vignes certifiées en agriculture biologique à partir du millésime 2022, mais cultivées depuis toujours dans le respect de la biodiversité. Sur les 27 500 hectares des trois départements producteurs de vins de Provence (Bouches-duRhône, Var, Alpes-Maritimes – 11 communes), 32 % sont en bio ou haute valeur environnementale (HVE).
Raffinement total
À Peyrassol, labour, compost, équilibre des sols et traitements ponctuels sont un corollaire de l’incroyable variété de cépages. Grenache, syrah, cinsault, cabernet sauvignon, mourvèdre, tibouren, pour les rouges. Rolle, sémillon, ugni blanc pour les blancs. Avec 1,5 million de bouteilles de rosés annuelles, Peyrassol se positionne parmi les incontournables. « On dit aujourd’hui, “je voudrais un Peyrassol ou un Minuty”. Mais nous faisons encore partie des petits parmi les grands », philosophe Alban Cacaret. Avec lui, la propriété gigantesque de 22 kilomètres de circonférence ne se sillonne pas à bord d’un SUV ou d’un tout-terrain dernier cri. Alban Cacaret préfère sa 2 CV. Une deudeuche intrépide qui grimpe à travers bois, traverse les champs d’oliviers, atteint sans rechigner les points de vue les plus hauts. Ils sont à tomber. Peyrassol est splendide. Pour sa nature, ses vins mais aussi pour le parc à ciel ouvert de sculptures contemporaines (Folon, Lee Ufan, Daniel Buren…) parmi vignes et forêt. Toute la propriété se visite. Des dépliants cartographiés permettent de retrouver son chemin entre les deux restaurants, les oeuvres d’art, l’hébergement d’un raffinement total aménagé dans une clairière. Un centre d’art dans l’ancienne cave fait dialoguer en ce moment créations contemporaines et tableaux flamands des XVe au XVIIe siècles. La conversation est percutante. Elle agit en miroir. Car Peyrassol est une terre de contraste. D’un côté, la force des lieux et l’esprit des Templiers en cotte de mailles. De l’autre, des rosés frais et festifs. Du léger, de la fête, des apéritifs de soir d’été : direction SaintTropez. En son coeur même. Route des Salins. Celles des plages et des maisons de vacances. À gauche, le chemin des Treilles de la Moutte grimpe jusqu’à la Ferme des Lices. Au milieu des villas cossues, un vignoble enchanté pourvu d’une cave minuscule et d’un charmant cabanon pour la vente. La Ferme des Lices est l’unique cave particulière de SaintTropez. Tout est charmant ici. Les dimensions, le paysage, les petites chaises de jardin violines assorties aux volets de la cabane tropézienne. Loin, très loin de la fournaise. Pourtant, juste à côté. Sur cette minipropriété de 8 hectares à dix minutes en voiture de la place des Lices, ils sont sept propriétaires et une fermière, Laurence Berlemont. Consultante, oenologue, agronome, avant-gardiste, la cofondatrice du Cabinet d’agronomie provençale (Brignoles) est une star de la viticulture bio en Provence. C’est elle qui murmure à l’oreille de
tous les investisseurs (et les autres) tombés en amour pour les vignobles et la biodiversité de cette région placée sous le soleil exactement. Stéphane Courbit, Pierre Gattaz ou George Cloney font partie de ses clients. Sa méthode ? Écouter, faciliter, conseiller, rassurer, inventer. C’est ce qui s’est passé pour La Ferme des Lices. Petit retour en arrière. En 1996, elle est contactée par une charmante Anglaise qui cherche une propriété avec des vignes. De tout ce qu’on lui propose, rien ne lui convient. Jusqu’au jour où elle rappelle Laurence Berlemont. « Ça y est, j’ai trouvé une villa cosy et un petit bout de vigne. C’est à Saint-Tropez ! Un hectare. Vous accepteriez de les prendre en fermage ? » Évidemment, l’aventureuse est partante. Des vignes à Saint-Tropez, ça ne se refuse pas. Petit à petit, les voisins la contactent. « Nous aussi, on a des vignes, vous voulez bien vous en occuper ? » C’est marrant, se dit Laurence Berlemont. Elle en parle à Patrice de Colmont, personnage incontournable de la presqu’île. L’oeil qui frise, le patron du Club 55 lui explique qu’elle est en train – sans le savoir – de reconstituer le vignoble de Jacques Angelvin. Noctambule et flambeur, approché par les caïds de la French Connection, ce pur produit Saint-Trop’ est arrêté en 1962 par la police new-yorkaise pour trafic de stupéfiants. Sur les huit morceaux de la propriété saisis du trafiquant, Laurence Berlemont en gère sept comme un seul domaine dans un esprit vin de garage. Ce sont 30 000 bouteilles par an. Une production hyperconfidentielle et en biodynamie depuis 2021. Impossible de ne pas succomber à ce blanc (100 % rolle), ses arômes frais de pamplemousse et de pêche qui se transforment en parfum de noisette et de nougat à mesure qu’il vieillit. Ce rosé (cinsault, grenache) et ce rouge (syrah et 10 % mourvèdre) cultivés face à la mer sur un terroir sec et sableux assorti aux souvenirs d’été. Puisque nous y sommes, rapprochons-nous encore de la Méditerranée. Près, très près, même. Chez Patrice de Colmont, justement. Depuis 1955 et le tournage d’Et Dieu créa la femme, Pampelonne ne serait pas Pampelonne sans le Club 55 dirigé par cette figure locale après son père, Bernard de Colmont. Ici défilent sur leur trente-et-un, en
___u mode décontracté, les rich & famous de la planète
“Il nous a fallu dix minutes pour nous dire qu’on voulait faire revivre cette maison, dans ma famille depuis quatre siècles”
entière. Coton délavé et lin froissé. Pieds nus sur le sable ou en sandales sous le grand dais blanc. Il faut voir. Surtout y être vu. Pourtant, à quelques centaines de mètres de ce carré des célébrités se cache le jardin secret de Patrice de Colmont. Derrière un vieux portail rouillé, un éden : le Vallon des Bouis. Onze hectares de collines, 6 hectares de vignes, un hectare d’oliviers, 25 arrhes de maraîchage. Sur la droite, au loin, le cap Camarat et son phare. Devant, la Grande Bleue dans toute son immensité. Ici règne l’agroécologie, la douceur de vivre, Astrakan, le cheval de labour, les légumes de plein champs qui iront directement alimenter la table du Club 55. De même, les cuvées sans chimie ou sans sulfites, telles la cuvée rosée Belle Vendange. Une vraie réussite parmi les 16 000 à 17 000 annuelles produites au Vallon des Bouis. Les pesticides ont-ils un jour souillé cette ferme où le père d’un camarade de classe de Patrice de Colmont était métayer ? Rien n’est moins sûr. Au Vallon des Bouis, le temps s’est figé dans les années 1950. Les fleurs de radis blanches et les fleurs de moutarde illuminent depuis toujours les rangs de vignes, les citronniers pétaradent joyeusement au plus près de la maison d’Amélie, Nicolas Drion et leurs trois enfants. Depuis 2006, le couple veille sur tout ce qui pousse dans ce lieu. À l’abandon quand Patrice de Colmont a eu la chance de se le voir proposer alors qu’il cherchait un domaine agricole pour mettre en pratique ce respect dû aux produits de la terre. Une philosophie qu’il partageait avec l’écologiste et essayiste français né en Algérie Pierre Rabhi (disparu en décembre 2021) et le capitaine du Sea Shepherd Conservation Society, l’irréductible militant antispéciste canadien Paul Watson. Sur ses amitiés éclectiques comme sur Antoine de Saint-Exupéry, dont il vient de racheter le château de sa mère à La Môle pour y reconstituer un modèle de vie pur XIXe sans électricité, Patrice de Colmont est intarissable. Comme il l’est tout avec autant de bienveillance à l’évocation de ses voisins directs à Ramatuelle.
Minuty, Roi de Saint-tRopez
Amateur de vins de garage, La Sultanine s’offre à nous. Depuis 2018, Christian Chauvet et son copain d’enfance Benjamin Courtin ont investi l’ancien garage de la ferme familiale des Sellettes. Leur idée ? Vinifier la récolte des 4,5 hectares de vignes disséminées entre Gassin, Ramatuelle et la Croix-Valmer, dont un hectare sur place. Christian a grandi à Montpellier, Benjamin sur le plateau du Larzac. Les deux amis se retrouvaient à Ramatuelle chaque été. Puis leurs vies ont divergé. Vingt ans en Afrique pour Benjamin, qui travaillait pour la Commission européenne d’aide au développement. Des compétences très fines d’oenologue acquises au domaine La Bastide blanche à Bandol pour le second. En 2017, ils se retrouvent. « Il nous a fallu dix minutes pour nous dire qu’on voulait faire revivre cette maison, dans ma famille depuis quatre siècles. Mon père venait d’une des plus anciennes familles tropéziennes. Durant des années, il a été président de la cave coopérative. Faire du vin à la Sellettes était son rêve. » Aujourd’hui, la Sultanine est « une des plus belles petites caves de la Croix-Valmer ». Les volumes produits sont limités, mais il s’agit d’un vrai projet de plaisir et entre copains. Alors qu’à côté, route de la Berle, à Gassin, règne Minuty. Propriété familiale depuis 1936, présente à l’international dans plus de 100 pays, une des 23 propriétés parmi le cercle étroit des crus classés en Côtes de Provence. Minuty, roi de Saint-Tropez.
Versant privé, une allée de platanes centenaires mène à la maison Napoléon III et sa charmante chapelle. Ici ont grandi Jean-Étienne, Marie-Aline et François Matton. Depuis le début des années 1990, les deux frères gèrent la propriété. Amoureuse inconditionnelle du pays de son enfance, MarieAline Donneau-Matton maintient l’harmonie et le souvenir de ce Var si vivant autrefois, même en hiver. Versant public, Minuty est un immense caveau de vente et de dégustation. Les berlines de la côte ou d’ailleurs se relaient sans discontinuer pour remplir leur coffre. Depuis Minuty 281, délicate cuvée de grenache aux arômes de fleurs blanches dans son flacon bicolore transparent et Pantone bleu, la collection des bouteilles sérigraphiées, Minuty M, en édition limitée est un must des tablées estivales. Dernière-née, celle imaginée par la tatoueuse parisienne Léa Amati. De l’aube à la nuit, toutes les couleurs de la French Riviera y sont célébrées comme un rendez-vous entre le soleil et la mer. Malheureusement pour nous, c’est le moment de rentrer à Paris.