Le Figaro Magazine

CE QUI MEURT AVEC ELIZABETH II

- Paulin Césari

La reine d’Angleterre est morte. Un pathos diluvien semble tomber sur la terre et le deuil se porter jusqu’aux confins de l’univers. Un tourment sans pareil saisit le genre humain soudaineme­nt avide de génuflexio­ns.

Un flot ininterrom­pu d’images pieuses, de gloses hagiograph­iques et de traques biographiq­ues l’accompagne et le nourrit. Cette fois, Dieu ne sauvera pas la reine. Morte, celle qui avait fait de la réserve son credo doit subir tous les outrages du spectacle. Elle, pour qui la distinctio­n consistait à se faire remarquer en passant inaperçue, se voit subitement condamnée à l’inverse. Elizabeth II subit, morte, ce qu’elle avait méprisé vivante : l’obscénité médiatique.

Les hommages qui lui sont rendus sont donc la négation même de ce qu’ils prétendent révérer et ceci en toute impunité, car les morts ne peuvent rendre les coups. On voit par là que ce qui disparaît avec la dame au chapeau, ce n’est ni la monarchie ni l’Angleterre, qui ne sont plus aujourd’hui, comme tant d’autres choses, que formes vides et substances exsangues.

Ce qui disparaît, c’est une exigence qui s’oppose en tout point à l’esprit de notre temps au point d’en constituer la plus radicale des négations. Ce que l’on enterre, c’est une éthique résumée par l’une des devises de la couronne britanniqu­e :

« Never explain, never complain ». On ne saurait formuler plus brutalemen­t le refus de s’avilir dans notre bel aujourd’hui et ses logorrhées expiatoire­s, son cogito victimaire, son narcissism­e pathologiq­ue, son coeur suppurant et sa tripe humide. Bref, son indécence commune.

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