Le Figaro Magazine

HAUT-KARABAKH ARMÉNIEN : REQUIEM POUR UN MASSACRE

- Jean-Louis Tremblais

Une guerre en chasse une autre. Telle est la règle forgée par l’Histoire, imparable et intangible. C’est ainsi que le conflit russo-ukrainien a vite remplacé et occulté celui du Haut-Karabakh. Il y a deux ans, le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdja­n, appuyé par la Turquie, le Pakistan, des mercenaire­s islamistes et des drones israéliens (attelage improbable mais efficace militairem­ent), attaquait la République autoprocla­mée du Haut-Karabakh (Artsakh pour ses habitants), peuplée à 100 % d’Arméniens. Bilan : 6 000 morts et la conquête par Bakou de 75 % des territoire­s convoités. Épuration, expulsions, exactions, vandalisme : malgré le cessez-le-feu conclu sous l’égide de la Russie, rien n’a protégé les Arméniens de cette haine viscérale et séculaire, dont le « fait d’armes » fut le génocide de 1915 (lancé par les Ottomans mais perpétré avec enthousias­me par leurs affidés azéris).

Afin de rafraîchir les mémoires et de réveiller les conscience­s, le Cf2R (Centre français de recherche sur le renseignem­ent) publie, sous la direction d’Éric Denécé et Tigrane Yégavian, un « livre noir * » accablant pour l’agresseur. Cet ouvrage se veut non seulement un rappel des faits, mais aussi un SOS adressé à l’Occident, aussi taiseux sur cette agression qu’il est bavard sur celle dont Kiev fait l’objet depuis février 2022. Ont participé à cette entreprise une trentaine de personnali­tés, issues de tous les milieux – universita­ires, historiens, essayistes, journalist­es, écrivains, etc. – et connaissan­t bien le sujet. Ce panel d’experts court d’Alexandre del Valle à Sylvain Tesson, en passant par Franz-Olivier Giesbert, Jean-Christophe Buisson ou JeanFranço­is Colosimo. Chacun dans son style, les intervenan­ts, mêlant analyses ou témoignage­s, souvenirs ou plaidoyers, démontrent que les persécutio­ns n’ont jamais cessé depuis 1915 et se poursuiven­t aujourd’hui. La nouvelle attaque meurtrière de l’Azerbaïdja­n, cette fois sur le territoire même de la République d’Arménie, l’a prouvé la semaine dernière encore.

Un peuple chrétien qui, face à un islam hostile et à des adversaire­s revanchard­s, lutte pour sa survie sans comité de soutien ni fan-club médiatisé : tel est le destin tragique du Haut-Karabakh, symbole de résilience et de résistance.

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Le livre noir, sous la direction d’Éric Denécé et Tigrane Yégavian, Ellipses, 400 p., 28 €.
* Haut-Karabakh. Le livre noir, sous la direction d’Éric Denécé et Tigrane Yégavian, Ellipses, 400 p., 28 €.

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