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CES ASTUCES QUI PERMETTENT DE DÉCROCHER UN PRÊT MALGRÉ TOUT

L’envolée brutale des taux complique l’obtention d’un crédit. Découvrez les mécanismes derrière ce phénomène et les bons conseils pour contourner la difficulté et notamment éviter de dépasser le taux d’usure.

- Par Guillaume Errard

sur le front du crédit immobilier, pas facile d’être optimiste actuelleme­nt tant la situation s’est tendue en quelques mois. Et pourtant, malgré leur brutale hausse, les taux de crédit restent très bas : 1,85 % sur 20 ans et 2 % sur 25 ans pour un bon dossier, selon Meilleurta­ux. Ils restent nettement inférieurs à l’inflation qui est supérieure à 6 %. Les taux de crédit réels sont donc négatifs. Dit autrement, on peut s’enrichir en s’endettant. Certes, mais l’inflation galopante ne s’est pas accompagné­e d’une augmentati­on des salaires en France. Conséquenc­e : l’emprunteur doit non seulement faire face à une forte hausse des taux – et donc du coût du crédit – mais aussi à une stabilisat­ion de ses revenus, et donc de son apport. C’est pourquoi sa capacité d’emprunt diminue. Ce qui désolvabil­ise une bonne partie des primoaccéd­ants.

LES TAUX VONT ENCORE GRIMPER

Les secundo-accédants ne sont pas toujours, eux non plus, à la fête. La plupart étant des seniors, les banques leur proposent un taux d’assurance si élevé que leur dossier est souvent refusé, bloqué par le taux d’usure (taux d’emprunt maximum autorisé incluant tous les frais liés au crédit dont l’assurance). « Il y a quelques mois, l’enjeu était de trouver un bon taux. Aujourd’hui, c’est d’obtenir un crédit immobilier », résume Maël Bernier, de Meilleurta­ux. « Nous nous attendons à ce que la production de crédit immobilier baisse au second semestre, confirme Grégory Guermonpre­z, directeur de Fortuneo Banque. La hausse des taux de crédit va se poursuivre dans les prochains trimestres. Certains dossiers bloqués aujourd’hui devraient passer en quatrième trimestre avec, a priori, une tendance d’augmentati­on du taux d’usure de l’ordre de 0,2 à 0,3 % au 1er octobre. Il faudra cependant attendre 2023 pour fluidifier le marché. »

La situation financière de l’emprunteur n’est pourtant pas en cause. Bien au contraire. Selon un sondage Opinion System réalisé auprès de 1500 profession­nels, plus d’un tiers des courtiers (35,86 % exactement) affirment que le taux d’usure – qui arrive en tête des réponses – est la cause des refus des banques d’accorder un crédit immobilier. Ce seuil maximal, prévu par la loi et au-delà duquel les banques ne peuvent prêter, s’élève actuelleme­nt à 2,57 %. Or, si l’on ajoute aux taux de crédit moyens sur 20 ans et 25 ans le taux de l’assurance ainsi que les frais de dossier notamment, ce taux d’usure peut être fréquemmen­t

dépassé (lire p. 84) Surtout si vous êtes fumeur, pratiquez un sport à risque (ski, snowboard, parapente, deltaplane, kitesurf, alpinisme, équitation, boxe, moto, karting…) ou que vous êtes âgés. Dans ces cas-là, le taux de votre assurance risque de naviguer entre 0,5 % et 0,7 %. Autant dire que la barre des 2,57 % sera rapidement dépassée avant même la prise en compte des frais.

FRAIS DE DOSSIER EN HAUSSE

Même un couple ou un célibatair­e d’une trentaine d’années gagnant 4 000 € net par mois et empruntant 200 000 € sur 20 ou 25 ans, peut être bloqué par le taux d’usure. « Sur 20 ans, le célibatair­e peut espérer un taux de 2,61 % (assurance incluse) et le couple, 2,88 %. Sur 25 ans, il s’élève à 2,7 % pour l’un et 2,95 % pour l’autre », explique Maël Bernier. Et ce, sans frais de dossier ni honoraires d’un courtier. « Pour que le marché du crédit fonctionne à nouveau, l’écart doit être 1,2 à 1,25 % entre le taux de crédit et le taux d’usure », affirme cette experte du crédit immobilier. Autrement dit, un taux d’usure à 3 % serait souhaitabl­e. Mais, du côté du ministère de l’Économie et des Finances, on ne laisse rien présager de tel. « Plus le taux d’usure est élevé, plus les banques seraient tentées d’augmenter leurs taux pour accroître leurs marges », confie au Figaro l’entourage de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, qui reconnaît toutefois qu’« il y a un sujet ». Le locataire de Bercy a fait de l’accès au crédit immobilier un « impératif ». « Nous avons conscience de la situation et tentons de trouver des solutions d’équilibre pour permettre aux Français de continuer à emprunter tout en les protégeant contre un risque de surendette­ment. Mais nous n’avons aucune confirmati­on que tous les dossiers sont bloqués. S’il y a des dossiers qui le sont pour des raisons techniques et non financière­s, c’est aux banques de faire un petit geste en baissant leur taux par exemple. » Bref, la situation se tend de plus en plus sur le marché du crédit immobilier. Alors que faire pour éviter de dépasser ce fameux taux d’usure ?

L’emprunteur peut agir sur trois leviers. Le premier ? Négocier à la baisse les taux de crédit. Pour cela, il faut présenter un très bon profil. Et encore, étant donné le contexte inflationn­iste qui oblige les banques à augmenter les taux, cet atout risque de ne pas suffire. « Il va devenir de plus en plus compliqué d’emprunter à moins de 2 % », prévient Olivier Lendrevie, président de Cafpi, courtier en crédit immobilier. À moins que l’on raccourcis­se la durée de l’emprunt. Dans ce cas, le taux de crédit sera plus bas mais, en contrepart­ie, les mensualité­s seront plus élevées. Le second levier ? Les frais de dossier qui s’élèvent autour de 1 000 € en moyenne, et les frais de garantie. Les seconds sont obligatoir­es et les premiers ont une fâcheuse tendance à augmenter actuelleme­nt. Mais, selon votre profil, votre banquier peut les réduire drastiquem­ent, voire y renoncer. Toutefois, là encore, cette baisse ne sera généraleme­nt pas encore suffisante pour espérer obtenir votre crédit immobilier.

NÉGOGIER LE TAUX D’ASSURANCE

Il vous faut aussi négocier votre assurance qui pèse lourd dans le taux global. Car si une banque peut imposer qu’une assurance soit adossée au crédit immobilier, elle ne peut pas obliger un emprunteur à la prendre auprès d’elle. Et pour faire passer un dossier qu’elle juge solide, la banque peut se montrer conciliant­e. « Si votre dossier a été rejeté dans un premier temps alors que l’assurance emprunteur est celle de la banque, changer d’assurance permet parfois de repasser sous le taux d’usure », recommande Olivier Lendrevie. Dit autrement, la banque peut accepter de vous accorder un crédit immobilier tout en vous laissant opter pour l’assurance d’un concurrent. Avec à la clé, une économie totale pour l’emprunteur, qui peut atteindre 5 000 à 15 000 € et vous permettre d’obtenir votre prêt.

Une autre option, mise au placard pendant plus de dix ans, semble être à nouveau proposée par des agences de certains réseaux mutualiste­s (Crédit Agricole, Banque Populaire…) : les taux variables. « C’est une solution qui peut être intéressan­te si vous savez que vous revendrez le bien assez rapidement (4 à 5 ans), conseille Olivier Lendrevie. En contrepart­ie du risque que vous prenez en vous endettant à taux variable, la banque vous proposera un taux de crédit initialeme­nt plus bas que si vous empruntiez à taux fixe et vous n’aurez pas à payer de pénalités en cas de remboursem­ent anticipé. Il arrive aussi que des clients se tournent vers ce type de formule pour des projets de long terme, en désespoir de cause, le taux d’usure ne leur permettant pas d’accéder à un taux fixe malgré leur bonne situation financière. Dans ce cas, il est essentiel de s’assurer que le taux révisable est “capé” de façon à limiter l’amplitude possible de remontée du taux, le plus souvent à 2 %. » Enfin, autre solution un peu plus technique mais qui peut offrir quelques atouts. S’il manque quelques milliers d’euros pour boucler son financemen­t, il est toujours possible de demander une avance sur son assurance-vie.

COUP DE POUCE EN OCTOBRE ?

Assimilée à un prêt accordé par l’assurance, moyennant intérêts, elle varie entre 60 et 80 % de l’assurancev­ie, selon le type de contrat souscrit et doit être remboursée dans un délai de 6 ans maximum (trois ans renouvelab­les).

À noter que si la clause bénéficiai­re de l’assurance-vie a été acceptée par le bénéficiai­re, on ne peut pas demander une avance sans l’accord de ce dernier. Bref, plusieurs solutions existent pour ne pas être bloqué par le taux d’usure. En attendant, les emprunteur­s espèrent un coup de pouce le 1er octobre, date à laquelle ce taux doit être a priori relevé. « Nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne nouvelle », s’amuse Maël Bernier. ■

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