RETOUR À LA NORMALE POUR LA PIERRE FRANCILIENNE
Si les transactions marquent le pas dans le Bassin parisien, les prix résistent. De quoi inciter les acquéreurs à se tourner vers de nouveaux marchés.
clap de fin pour l’euphorie sur le marché immobilier en Île-de-France. Quels que soient les départements, les professionnels dressent le même constat. Si de nombreuses transactions se concluent toujours, les acquéreurs achètent moins et ne sont plus prêts à dépenser des sommes folles pour tous types de biens, même sur des marchés prisés comme celui de Neuilly : « Les biens situés dans les secteurs très recherchés comme le boulevard Maurice-Barrès dans le bois de Boulogne ou de l’autre côté, vers le boulevard d’Inkermann se vendent très vite et les prix restent hauts car il n’y en a pas, indique Olivia Pottier, directrice de l’agence Émile Garcin à Neuilly-sur-Seine. Dans le bois, certains appartements se sont vendus à 17 000 €/m² cette année. Pour des biens ayant moins d’atouts, le délai de vente peut s’allonger et le prix devra être plus attractif pour que l’appartement trouve preneur. » Selon la chambre des notaires de Paris-Île-de-France, le mètre carré moyen pour les appartements dans la ville est estimé à 11 180 €. Mais tout dépend du quartier où l’on achète : « Nous venons de vendre rue Saint-James un appartement de 206 m² en rez-de-jardin pour 3,5 millions d’euros, soit plus de 16 000 €/m². Dans le même temps, un autre appartement de 109 m² situé, lui, boulevard Victor-Hugo, s’est vendu 1,4 million d’euros, c’est-à-dire un peu plus de 12 000 €/m² », constate Sandra Sabah, Team Leader Engel & Völkers pour les Hauts-de-Seine.
DES VALEURS SÛRES AVANT TOUT
À Boulogne-Billancourt, pourtant très demandée, les prix s’érodent de 1,2 % pour les appartements selon les notaires. « Aujourd’hui, les prix dans la ville tournent autour de 7 500 à 9 000 €/m² alors que nous étions entre 10 000 et 11 000 €/m² il y a encore quelques mois », confie Marie-Hélène Delorme, directrice d’une agence Orpi à Boulogne-Billancourt. « On se bat avec les vendeurs pour qu’ils revoient à la baisse les prix de leurs biens mais les acheteurs ne sont toujours pas au rendezvous. Seuls les valeurs sûres, les biens zéro défaut de Boulogne nord, près de Roland-Garros, avec terrasse, grand balcon ou les maisons avec jardin se vendent cher et vite », précise-t-elle. Les raisons de ce coup d’arrêt sont encore difficiles à
définir. Pour certains, le contexte géopolitique, les transactions record de 2021 et l’élection présidentielle ont joué un rôle. Pour d’autres, la cause est davantage à chercher du côté de la hausse des taux de crédit immobilier désormais à 1,8 % en moyenne, toutes durées confondues, contre 1,05 % un an auparavant, à laquelle s’ajoute un taux d’usure à 2,57 % pour les prêts sur 20 ans ou plus. « À Levallois-Perret, nous voyons passer des dossiers de gens qui ont le profil parfait pour emprunter et qui se voient refuser le prêt à cause du niveau du taux d’usure. C’est du jamais-vu », s’étonne Laetitia de Francqueville, directrice d’une agence Laforêt dans la commune. Les prix dans la ville dépassent de plus en plus rarement les 10 000 €/m² et se négocient plutôt autour de 9 000 à 9 500 €, selon l’agent immobilier.
Faute de biens au prix dans les premières villes de la petite couronne, la clientèle n’hésite pas à traverser la Seine, direction Saint-Cloud : « C’est la première ville que l’on regarde si l’on ne trouve rien à Boulogne-Billancourt. Le marché y est resté très dynamique pour les propriétés avec extérieur, vue sur Paris et d’une belle superficie », observe Jean-Charles Engels, de Paris Ouest Sotheby’s International Realty. La crise des matières premières est passée par là : « On sent plus de réticence de la part des acheteurs à se tourner vers les biens avec travaux. Ils ont peur que les matériaux peinent à arriver, que les entrepreneurs ne tiennent pas les délais et que les devis explosent », ajoute-t-il. Le mètre carré moyen varie ainsi de 8 000 € pour les biens avec défauts à 15 000 € pour les belles propriétés du quartier de Montretout ou proches du mont Valérien.
À LA RECHERCHE DE MARCHÉS DE REPORT
Dans les Yvelines, Saint-Germain-en-Laye et Versailles restent les villes les plus recherchées par les acquéreurs. Pour la première, le gros de la demande se concentre sur la place du Marché ou près du château, là où les propriétés se négocient entre 10 000 et 12 000 €/m². « Mais les acheteurs vont également à Villennes-sur-Seine, Verneuil-sur-Seine ou Orgeval. Ce sont les nouveaux marchés de report de Saint-Germain-en-Laye. Ils gagnent en attractivité car dès 2024, ces villes seront desservies par le RER E qui ira jusqu’à Mantes-la-Jolie », constate Sophie Cardon, également agent pour Paris Ouest Sotheby’s International Realty. « Une belle maison proche de la future ligne de RER se négocie autour du million d’euros dans ces communes quand, à Saint-Germain-en-Laye, proche de la gare, vous n’avez rien en dessous de 2 millions », ajoute-t-elle.
À Versailles, les quartiers historiques Saint-Louis et NotreDame restent les plus recherchés par les familles mais les opportunités se font rares. Le caractère ancien des appartements XVIIIe à proximité du château attire les Parisiens. Les infrastructures numériques et la présence d’une pièce indépendante pour le télétravail restent des atouts majeurs dans les critères de recherche des acquéreurs. « Les prix dans ces quartiers résistent entre 8 000 et 9 000 €/m². Quelques biens exceptionnels peuvent être proposés à 10 000 €/m² », indique Karine Desachy, consultante immobilier pour Émile Garcin à Versailles. Mais le prix d’entrée des maisons dans la ville atteint fréquemment le million d’euros. Les acquéreurs en quête de marchés de report se dirigent de plus en plus vers Chatou ou Le Vésinet où les prix sur un an ont fortement augmenté. Le coût des maisons a ainsi bondi de plus de 16 % pour la première commune, à 977 000 € en moyenne selon les notaires. Au Vésinet, ce sont les appartements qui enregistrent les hausses les plus importantes (+ 5,8 % en un an), à 6 190 €/m2.
La demande évolue et bon nombre d’acquéreurs sont prêts à investir plus à l’est ou dans le nord de l’Île-de-France. Dans le Val-de-Marne, les prix de Vincennes et Saint-Mandé poussent la demande à la recherche d’une belle maison avec jardin du côté de Fontenay-sous-Bois et Nogent-sur-Marne : « Il y a des plafonds de verre sur ces deux communes qu’on ne retrouve pas à Vincennes et Saint-Mandé, confie Sébastien Mouton, directeur de Barnes Paris Est. Une maison de 200 m² près du bois se négocie sous les 2 millions d’euros à Fontenay-sous-Bois et Nogent-sur-Marne alors qu’à Vincennes et Saint-Mandé, vous serez nécessairement au-dessus. » Autre marché de report de Vincennes, la commune de Montreuil qui intéresse de plus en plus une population de Parisiens trentenaires, habitués à vivre dans les 19e et 20e arrondissements et en quête d’espace à prix plus doux : « Nous avons vendu en début d’année un loft de 130 m² avec 4 mètres de hauteur sous plafond dans le bas Montreuil pour 1 million d’euros, rue de la Fédération, à quelques mètres de Vincennes. La différence de prix entre les deux communes est spectaculaire. On passe en quelques rues de 10 000 à 10 500 €/m² à Vincennes à 8 000 à 9 000 €/m² à Montreuil », indique Éric Maraninchi, de chez Barnes Paris Est, en charge de la SeineSaint-Denis. La gentrification du bas Montreuil, avec l’installation de nombreuses sociétés telles que Orange Bank, Ubisoft ou encore la Société générale pousse la demande vers ce morceau du territoire montreuillois.
Plus au nord, c’est aux Lilas ou au Pré-Saint-Gervais que les acheteurs cherchent des maisons. Près du métro Mairie-desLilas, derrière le parc de la mairie, les pavillons de 100 m² se vendent à 1,1 million d’euros. Au Pré-Saint-Gervais, ce sont les propriétés de la Villa du Pré, où résident de nombreuses stars du cinéma, qui sont dans le viseur des acquéreurs. Prix de départ d’un pavillon dans ce secteur ? Entre 1,3 et 1,8 million d’euros. « Les prix dans ces communes montent et les acquéreurs savent qu’ils vont y trouver des logements plus grands et des typologies singulières comme des maisons ouvrières ou des lofts à réhabiliter », précise Dorothée Le Meur, directrice de l’agence Espaces Atypiques Paris Rive Droite. « L’arrivée du Grand Paris va pousser encore un peu plus les prix à la hausse sur ces secteurs », assure-t-elle. Le marché francilien n’a pas fini de muter.