Le Figaro Magazine

ÉTAT CriTiqUe

Palme d’or à Cannes, le nouveau film de M Ruben Östlund est une comédie d’une férocité aussi drolatique que critique sur notre société de l’image et du paraître.

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Les influenceu­rs sont à la mode. Quand ils ne font pas l’objet d’édifiantes enquêtes documentai­res sur France 2, ils sont à l’affiche de la palme d’or du dernier Festival de Cannes. Problème : c’est devant la caméra du féroce, cruel et redoutable Ruben Öslund. Autant dire que leur sort est aussi peu enviable que celui que le réalisateu­r suédois avait réservé à la famille bourgeoise de Snow Therapy et aux petits marquis de l’art contempora­in dans The Square. Tous éparpillés façon puzzle. Carl et Yaya (la comédienne Charlbi Dean, disparue cet été) sont jeunes et beaux. Donc mannequins. Donc riches. Les grandes marques les payent pour faire semblant d’être en couple sur un yacht de luxe d’où ils postent des photos de leur bonheur en maillot de bain, aussi artificiel que leur vie et leur conversati­on. À bord se trouvent aussi des ultrariche­s estimant qu’être fortuné autorise tous les caprices, toutes les folies, toutes les indécences. Autant dire que le film s’annonce comme un vigoureux pamphlet dont Mélenchon aurait pu signer les grandes lignes. Tiens, le capitaine qui tient la barre du navire ne serait-il pas Mélenchon lui-même, d’ailleurs ? Du rouge dans son verre, du rouge dans ses colères, du rouge dans ses idées : il refuse de quitter sa cabine pour ne pas croiser ses horribles passagers… Surviennen­t une tempête terrible, une attaque de pirates et un naufrage qui font enfin sortir de son splendide isolement le capitaine Smith (génial Woody Harrelson) et le film de sa critique sociale un peu sommaire après. On passe de Marx à Proudhon, de Lénine à Kropotkine, de Petrograd à Cronstadt. Sans filtre (en salles le 28 septembre) se mue en hénaurme brûlot anarchiste. Tout le monde passe à la broyeuse scandinave : les pauvres comme les riches, les femmes comme les hommes, les gros comme les maigres, les arrogants comme les timides, les vieux comme les jeunes. Comme si l’homme n’était que laideur, vanité et suffisance. On est chez Rabelais et chez Houellebec­q, c’est délirant, outrancier, sauvage.

C’est génial.

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