Le Figaro Magazine

Impôts : la loi de l’éternel retour

- Ghislain de Montalembe­rt

Si l’impôt tue l’impôt, celui-ci est décidément bien coriace : il existe au moins depuis l’Antiquité, expliquent Éric Anceau et Jean-Luc Bordron dans leur Histoire mondiale des impôts. Voilà cinq mille ans que les individus sont sommés de transférer une partie de leurs richesses au profit d’une puissance supérieure : l’État, les autorités locales, le clergé, les seigneurs du Moyen Âge, les divinités… En échange, ils pouvaient espérer une protection militaire, le salut éternel, des services publics indispensa­bles, comme l’éducation ou la santé… Progressiv­ement, « la puissance publique (l’État et les collectivi­tés locales) s’est arrogé le monopole de l’impôt », précisent les auteurs : ce dernier assurant les ressources nécessaire­s à la mise en oeuvre de l’action politique, il s’est vite imposé comme un rouage essentiel de la puissance publique. D’où l’inventivit­é toujours plus grande dont l’État a su faire preuve, au fil des temps, pour remplir ses caisses. L’impôt sur la barbe dans la Russie de Pierre le Grand, qu’Éric Anceau et Jean-Luc Bordron citent en anecdote, en constitue l’un des meilleurs exemples. Le jeune tsar, qui avait découvert la culture occidental­e lors de son grand tour d’Europe, en 1697-1698, voulut rompre avec les traditions archaïques russes. Après avoir interdit le port de la barbe chez les élites en 1699, il assouplit cependant la règle : la barbe fut à nouveau autorisée en 1705… mais à condition d’acquitter une taxe calculée en fonction de la condition sociale de celui qui la portait ! Orienter les comporteme­nts des individus via l’impôt est désormais une pratique courante dans de nombreux pays (taxes sur les cigarettes, la pollution, etc.), tout comme la tendance à transforme­r la fiscalité en arme de redistribu­tion pour faire payer les plus riches et financer un État providence toujours plus généreux. Pas étonnant que la pression fiscale se soit considérab­lement accrue depuis le Moyen Âge, notamment depuis le début du XXe siècle.

En France, le poids des prélèvemen­ts obligatoir­es est ainsi passé de 18 % du produit intérieur brut (PIB), à la veille de la Première Guerre mondiale, à 47,5 % du PIB aujourd’hui, soit la pression fiscale la plus forte en Europe après celle du Danemark.

 ?? ?? Histoire mondiale des impôts. De l’Antiquité à nos jours, d’Éric Anceau et Jean-Luc Bordron, Passés composés, 447 p., 25 €.
Histoire mondiale des impôts. De l’Antiquité à nos jours, d’Éric Anceau et Jean-Luc Bordron, Passés composés, 447 p., 25 €.

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