Olivier BaBeau “Le fonctionnement syndical en France est consternant”
Pour le président de l’Institut Sapiens, le Conseil d’orientation des retraites (COR) fait mal son travail de pédagogie, et les syndicats, qui sont subventionnés par l’État, sont indifférents aux enjeux démographiques comme aux réalités économiques.
Le COR, qui est chargé du diagnostic sur les retraites, n’est-il pas le premier à juger la réforme inutile ?
l’exercice de prévision est compliqué parce qu’il brasse beaucoup de paramètres : évolution de la natalité, espérance de vie, niveau probable d’emploi, productivité. Chacun retient donc ce qui l’arrange et ça n’aide pas la décision politique.
Le patron du COR, Pierre-Louis Bras, est ravi d’expliquer que « les dépenses de retraite sont relativement maîtrisées dans la plupart des hypothèses »…
le COr a prévu une hausse de la productivité dans les années à venir, qui n’a pas eu lieu depuis trente ans ! On ne sait pas d’où il tire un tel optimisme. Mais il est clair que, dans ce cas, il est plus facile de diminuer les déficits. Si, selon une hypothèse plus prudente, on prévoit de maintenir le niveau de productivité actuel, on sait que les dépenses de retraite pourraient atteindre 16,2 % du PiB, sans empêcher une baisse du niveau de vie des retraités de 30 %.
Ajoutons que les prévisions du COR n’intègrent pas les retraites du public. Cela ne fausse-t-il pas l’analyse ?
et comment ! le déficit réel des retraites du service public est en moyenne huit fois plus élevé que celui calculé par le COr depuis 2002, mais l’addition est payée par l’État directement. il aura fallu que l’institut Molinari rappelle les vrais chiffres pour qu’on en parle. Chaque année l’État comble 33 milliards de pertes !
Les Français comprennent-ils seulement le principe de retraite par répartition ?
Ce n’est pas certain. la plupart des Français croient que l’argent qu’ils donnent est une cotisation pour leur retraite personnelle. Ce serait le cas avec la capitalisation. Mais le principe de la répartition fonctionne tout autrement, et la meilleure comparaison qui me vient à l’esprit est la pyramide de Ponzi. Tout va bien si l’équilibre est maintenu entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, mais si le nombre de nouveaux arrivants diminue trop, le château de cartes s’effondre.
Comment expliquer cette obstination syndicale à nier la réalité des équilibres démographiques ?
le rapport parlementaire du député centriste Nicolas Perruchot, rendu public en 2012 (que même l’assemblée avait cherché à cacher aux yeux des citoyens), avait montré la réalité consternante du fonctionnement syndical en
France. On est très loin du syndicalisme de service qu’on trouve dans l’europe du Nord.
Un représentant de la CGT a menacé de coupures d’électricité les élus qui voteront pour la loi sur les retraites. Le droit de grève existe, mais pas celui de légiférer ?
C’est justement parce que les syndicats ne cessent de perdre des adhérents qu’ils se sont convertis à cette folle culture du blocage, dans les transports ou dans les raffineries de pétrole. leurs moyens le leur permettent : le monde syndical est affaibli, fracturé, mais sa santé financière est toujours aussi bonne.
Quelles sont leurs solutions ?
essentiellement d’augmenter massivement les salaires ou de « prendre de l’argent aux plus riches ». leur culture économique est si faible qu’ils font croire à la population que le capital d’une entreprise est de l’argent liquide dans les caisses des particuliers qui les détiennent. la CGT parle encore d’un retour aux 60 ans. C’est une opposition des années 1960 pour une réforme des années 2000.
Comment sortir de ce syndicalisme de rupture ?
Si l’on veut un dialogue social de qualité, les syndicats doivent être indépendants de l’État, donc vivre de leurs cotisations. Mais ce n’est jamais ce qui se passe. il y a quelques années, la taxe de 0,016 % instituée par la loi Sapin nous a enfoncés un peu plus dans cette direction. la CGT en rêvait, elle l’a obtenue !
Pourquoi l’État paie-t-il ?
l’État achète la paix sociale. aujourd’hui, je pense qu’il serait impossible d’obtenir la création d’une commission d’enquête sur le sujet. les gouvernements et les élus vivent dans la peur du chantage à la grève des partenaires sociaux.
Les comptes des syndicats sont-ils mieux tenus que nos comptes sociaux ?
les grandes centrales publient leurs comptes, mais quelques syndicats s’en affranchissent, comme le Syndicat de la magistrature. il devrait être pénalisé. Cela dit, les heures de mise à disposition des salariés syndiqués n’apparaissent pas sur ces comptes ; or, c’est la manne la plus importante pour les syndicats. On ne nous donne jamais non plus le nombre de fonctionnaires mis à disposition des organisations. Perruchot citait à l’époque 13 000 à 14 000 personnes. le chiffre n’a jamais été contredit.