Les masques et les plumes
Maintenant, il regrette. Sur un coup de tête, Claude Lelouch avait détruit les copies de son premier film, Le Propre de l’homme. Plus récemment, le réalisateur avait envisagé de signer d’un pseudonyme son Roman de gare. La chose fut impossible. Au cinéma, trop de gens sont au courant. Il y a l’équipe. Il y a les acteurs qui, on s’en doute, ne peuvent pas tenir leur langue. Les bizarreries existent. La Surprise du chef de Pascal Thomas fut rebaptisé en province Le Maître queux. Allez savoir. En littérature, le phénomène est plus courant. Dans la liste de ses oeuvres complètes, Pascal Jardin oubliait le roman de ses débuts, Les Petits Malins. Michel Déon avait agi de même avec Adieux à Sheila, que les bouquinistes revendent aujourd’hui à prix d’or. Les Chiens à fouetter, le pamphlet de François Nourissier, ne figurait pas dans la page « Du même auteur ». Le volume fut réédité après sa mort. Philippe Labro a fini par avouer qu’il se cachait derrière la Stéphanie des Cornichons au chocolat. Dans les années 1990, les observateurs se perdaient en conjectures pour découvrir la véritable identité de Manicamp. Marc-Édouard Nabe a brûlé plusieurs tomes de son Journal. Quelles aventures ! Il a existé un faux inédit de Rimbaud, La Chasse spirituelle. La collection « Écrivains de toujours » avait consacré une biographie à un auteur inventé de toutes pièces, Marc Ronceraille. Dans le genre, la plus forte reste Elena Ferrante. Qui est-elle ? Le mystère est pourtant facile à percer. Il suffirait de lui attribuer le Nobel.