EN GUERRE, MAIS LOIN DE L’EUROPE
Au XIXe siècle, loin de vivre en paix, les Européens n’ont cessé de faire la guerre. Le plus souvent sur des théâtres d’opérations lointains.
Entre 1815 et 1914, les guerres ont été plus rares sur le continent européen qu’au XViiie siècle et qu’au XXe siècle, et moins coûteuses en hommes : les morts de sébastopol, solferino, sadowa et sedan pèsent peu en comparaison des 5 millions de victimes des guerres de la révolution et de l’empire et des plus de 10 millions de tués de 14-18. D’où l’idée reçue que le XiXe siècle aurait été, globalement et relativement, un siècle de paix pour les européens. idée fausse, explique sylvain Venayre, professeur d’histoire contemporaine à l’université Grenoble-alpes. Élève d’alain Corbin, il consacre ses recherches aux représentations de l’espace et du temps. or, il montre que la guerre, au XiXe siècle, n’a cessé, en réalité, d’accompa- gner le destin des européens, mais dans des conflits, coloniaux ou non, qui n’étaient pas forcément reconnus comme des guerres, et qui, dans tous les cas, se déroulaient loin de l’europe. L’auteur rappelle ainsi que les espagnols se sont battus en amérique du sud, au Maroc, à Cuba et aux Philippines ; les Hollandais en indonésie ; les anglais aux indes, en afghanistan, en birmanie, en afrique du sud, en Chine, en Nouvelle-Zélande, sur les côtes occidentales de l’afrique, dans le golfe araboPersique, en abyssinie, en Égypte et au soudan ; les Français en algérie, en afrique de l’ouest, au Mexique, en indochine, en tunisie, à Madagascar et au Maroc ; les Portugais en angola et au Mozambique ; les allemands au togo, au Cameroun, dans le sud-ouest africain et au tanganyika ; les italiens dans la Corne de l’afrique et en tripolitaine. entre 1815 et 1914, on a dénombré 362 guerres, dont la plupart n’ont pas eu lieu sur le Vieux Continent, mais « comment penser, souligne sylvain Venayre, que l’Europe n’y était pour rien ? Comment imaginer qu’elles avaient été sans conséquences sur les Européens ? » exposant lesdites conséquences, cet ouvrage évoque un univers certes dominé par l’homme occidental, mais où surgissaient des questionnements – sur la légitimité ou non des interventions outre-mer, sur ce qui différencie la civilisation de la barbarie, sur la validité ou non de l’emploi de la force – qui sont encore ceux de notre société. un essai magistral.
Les Guerres lointaines de la paix. Civilisation et barbarie depuis le XIXe siècle, de Sylvain Venayre, Gallimard, 362 p., 22,50 €.