L’élégance du désespoir
★★★★ Profession fripouille, de George Sanders, Éditions Séguier, 288 p., 20 €. Préface d’Éric Neuhoff, épilogue et traduction de Romain Slocombe.
Lorsqu’il s’est suicidé en Espagne le 25 avril 1972 à l’âge de 65 ans après avoir descendu cinq fioles de Nembutal, George Sanders avait laissé une note assez laconique : « Cher monde. Je m’en vais car je m’ennuie. » Auparavant, il avait eu le temps d’écrire ses Mémoires. Ils ont d’abord été publiés en France en 2004 sous le titre Mémoires d’une fripouille. Ils ressortent aujourd’hui, retraduits et rebaptisés Profession fripouille. Pourquoi ne pas avoir respecté l’intitulé anglais d’origine, Mémoires d’un goujat professionnel, plus chic ? Qu’importe. Il s’agit de l’une des plus fascinantes autobiographies (le programme électoral de W. C. Fields n’entre pas dans cette catégorie) écrites par un acteur de l’âge d’or d’Hollywood. Ce dandy était né à SaintPétersbourg de parents anglais, avait gagné le Royaume-Uni à l’âge de 11 ans, avant de devenir une star à Hollywood. Sa voix était incomparable. Sa nonchalance et sa présence aussi, comme un Mitchum mince et aristo sorti de Savile Row. Il raconte sa vie avec un esprit tout britannique dans ces Mémoires merveilleux. Il a joué entre autres dans Rebecca, L’Aventure de Madame Muir, Ève, Les Contrebandiers de Moonfleet, Voyage en Italie, avant de se spécialiser dans le navet lorsque les grands réalisateurs se sont mis à oublier son talent pour les rôles de crapule qui lui convenaient bien : « Je suis toujours grossier avec les gens.
Je ne suis pas une personne douce. Je suis une personne détestable. » Ce dilettante qui se moquait du cinéma n’avait jamais perdu son sens de l’ironie. Rien qu’à le lire, on respire son fume-cigarette.