QU’EST-CE QU’UNE NATION ?
Quand ça va mal, il est toujours utile de méditer sur la définition de la nation que formulait Ernest Renan à la fin du XIXe siècle.
Al’heure où le climat social est tendu, où l’assemblée nationale prend des airs de champ de bataille, et où le film Vaincre ou mourir vient rappeler, à propos des guerres de Vendée, à quel point les guerres civiles sont les pires des guerres, il est bon de souligner ce qui peut rassembler une société par-delà ses inévitables différences. sous nos latitudes, le cadre politique dans lequel évolue la démocratie est la nation, singulièrement en France, pays dont la naissance date d’un millénaire. Qu’est-ce qu’une nation ? Dans sa célèbre conférence publiée sous ce titre et qui avait été prononcée à la sorbonne, en 1882, afin de fournir au nationalisme allemand, après l’annexion de l’alsace-Lorraine, une réponse historiquement et philosophiquement fondée, ernest renan en donnait une définition qui mérite d’être méditée, ce que la réédition de cette conférence à un prix modique permettra à tous.
La France n’est pas une ethnie, ni un groupe linguistique, ni une famille religieuse (même si la langue française et les racines chrétiennes font partie de l’identité française), mais une communauté de destins forgée dans la durée, qui repose sur une architecture politique, une souveraineté établie sur un territoire défini. renan formulait l’idée selon laquelle une nation représente à la fois un héritage reçu (« la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ») et la volonté quotidienne, ce qu’il appelait le « plébiscite de tous les jours », de perpétuer cet héritage, « le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».
La définition de la nation selon renan se situe donc à la croisée du concept conservateur de nation-héritage et de la notion révolutionnaire de nation-contrat. toutefois, le politologue Nicolas tenzer, dans la postface de cette édition, observe avec raison qu’« il est un mot que Renan n’utilise quasiment pas : celui d’État ». La nation française, en effet, doit sa naissance et sa cohésion à l’action volontaire de l’État, État monarchique d’abord, État impérial ou républicain ensuite. « En dehors d’un État, il n’est pas de nation », observe tenzer. Juste leçon : quand l’État va mal, la nation ne se porte pas bien, et réciproquement.
Qu’est-ce qu’une nation ?, d’Ernest Renan, 1001 Nuits, 50 p., 3 €.