Le Figaro Magazine

CES CANDIDATS À L’ACHAT CONDAMNÉS À RESTER LOCATAIRES

- Marine Richard

Face à une envolée des taux de crédit, nombreux sont ceux qui ne parviennen­t plus à accéder à la propriété. Quant aux propriétai­res, certains se séparent de leurs biens locatifs en raison d’une réglementa­tion trop contraigna­nte, augmentant la pénurie d’appartemen­ts à louer.

Tous les voyants sont au vert, je suis cadre, en CDI dans une agence de communicat­ion, avec un très bon salaire et pourtant mes amis qui sont dans l’immobilier m’ont assuré que mon dossier allait être rejeté en raison de l’augmentati­on des taux », se confie Jérémy, trentenair­e, qui recherche un appartemen­t de 45 m² dans Paris-Est ou vers Romainvill­e, en Seine-Saint-Denis (93), pour 250 000 €. « Je me suis dit que j’allais rester locataire toute ma vie, ça m’a démoralisé. Je souhaite être propriétai­re pour préparer ma retraite. Dans mon entourage, des personnes ont vendu leur maison pour payer la maison de retraite », s’inquiète-t-il.

Comme Jérémy, de plus en plus de jeunes actifs restent locataires. Chez Koliving, une plate-forme qui permet de louer un bien sans se déplacer en quelques clics, au 1er mars 2022, ceux-ci représenta­ient 48 % des locataires contre 72 % un an plus tard. « D’habitude, on compte parmi eux des personnes en mobilité profession­nelle mais aujourd’hui, on voit aussi des profils en CDI avec une ancienneté de 2 ans », analyse Magalie Safar, fondatrice de Koliving. C’est le bon moment pour acheter pour seulement 22 % des locataires, selon l’observatoi­re du moral de l’immobilier d’OpinionWay de janvier, à partir d’un échantillo­n de 682 locataires SeLoger et Logic-Immo. Les locataires sont ainsi de plus en plus nombreux.

Leasing immobiLier

Mirlande s’est séparée de son mari et malgré sa place de directrice d’agence dans une société d’assurances, son dossier ne passait pas auprès des banques. Elle a cependant trouvé une solution pour tenter de devenir propriétai­re avec un apport personnel insuffisan­t. La location avec option d’achat, semblable à du leasing de voiture. « Je verse 1 050 € de loyer à la société Hestia dont 210 € d’épargne pour un appartemen­t de 80 m² en région parisienne, pour mes 3 enfants et moi-même. Cette épargne constitue un apport et doit me permettre de l’acheter d’ici à 3 ans maximum », se réjouit-elle. Hestia a fait l’acquisitio­n du bien déniché par Mirlande pour 162 000 € et Mirlande pourra le lui racheter pour 180 000 €. Le prix de vente est fixé dès le départ et ne change pas même si le marché fluctue. Certains critères sont à respecter comme la sélection d’un bien avec un diagnostic de performanc­e énergétiqu­e correct (pas de F ni de G). Le choix d’un bien neuf est également possible avec cette formule mais uniquement s’il est rapidement disponible après la constituti­on du dossier (3-4 mois maximum). Le prix à payer pour devenir propriétai­re ? Bien que les locataires soient de plus en plus nombreux, les biens à louer se font plus rares. Depuis le 1er janvier, les pires passoires thermiques (celles qui consomment plus de 450 kWh/m²/an) sont interdites à la location. « Je sors plus d’argent que je n’en rentre », se plaint Nathalie, qui met en location depuis 20 ans un studio de 14 m² à Versailles pour environ 560 € par mois. Elle a déjà effectué de nombreux travaux pour en assurer l’entretien. Or, le bien qu’elle loue est énergivore, il est classé G. Nathalie préfère le mettre en vente via PAP plutôt que de débourser 10 000 € pour le rénover. Elle n’est pas la seule dans ce cas. D’après une enquête réalisée par Hellio, société spécialisé­e dans le confort thermique, sur 376 copropriét­aires interrogés, 60 % n’envisagent pas de rénovation énergétiqu­e. « Ils n’ont pas forcément les liquidités pour se mettre aux normes », observe Julien Grandjean, de Neemmo, une société qui accompagne les propriétai­res souhaitant vendre leur logement seuls.

Cet afflux de passoires thermiques en vente entraîne une pénurie de biens à louer. Sans compter la contrainte de l’encadremen­t des loyers qui interdit aux propriétai­res de percevoir un montant supérieur à une somme donnée et s’applique dans des communes situées en zone tendue comme Paris, Lille, Lyon, Bordeaux ou Montpellie­r. Pascal, propriétai­re de 30 logements, met en vente 3 biens locatifs pour ce motif : « Les loyers sont encadrés mais pas les charges qui augmentent, donc les bénéfices sont réduits », se désole-t-il. Entre candidats à l’achat dont les projets sont retardés face à l’envolée des taux d’intérêt et propriétai­res désabusés, le marché de la location semble condamné à rester en berne.

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