Jean-Paul Kauffmann les retours de l’existence
La plupart des livres de l’ex-otage du Hezbollah ont été réunis dans la collection Bouquins. Son oeuvre, qu’on peut lire comme une allégorie de l’enfermement, célèbre surtout la liberté.
“J’écris pour faire disparaître
ma condition d’ex-otage, en même temps je ne veux pas
qu’on l’oublie”
Et si nous nous étions tous trompés sur Jean-Paul Kauffmann
? Au motif qu’il fut pendant près de trois ans otage du Hezbollah au Liban, nombre d’entre nous n’ont voulu voir qu’une métaphore de l’enfermement dans l’oeuvre littéraire qui a suivi cette expérience traumatisante. il faut dire que, de La Chambre noire de Longwood, qui décrivait les derniers jours de napoléon reclus sur l’île de sainte-Hélène, jusqu’à Venise à double tour, récit d’une itinérance dans les églises fermées, oubliées ou désaffectées de la sérénissime, l’auteur a tout fait pour nous indiquer cette direction et brouiller les pistes. La réunion de ses plus célèbres textes en un seul volume vient soudain modifier la perspective sur son oeuvre et lui donner une autre cohérence, passée inaperçue à l’époque. En réalité, Kauffmann célèbre la liberté des hommes des confins autant qu’il décrit le syndrome de l’enfermement qu’éprouvent certains d’entre nous.
Zones limites, de Jean-Paul Kauffmann, Bouquins, 1 152 p., 32 €.
L’oeuvre de Kauffmann peut se lire comme le récit d’une convalescence, d’une réparation de l’esprit et d’une redécouverte de la liberté. L’Arche des Kerguelen forme les premiers pas d’un grand blessé de l’existence tandis que La Maison du retour ou Remonter la Marne témoignent d’un homme qui a repris goût à la vie. il faudra écrire un jour le grand roman de la douleur qui humanise ceux qui l’ont vécue dans leur chair ou leur esprit. À sa façon, Kauffmann a écrit ce livre, mais sans emprunter le genre romanesque. D’où ce ton qui émeut tant. « Après ma captivité, je suis revenu à la vie par paliers, comme un plongeur remonte des profondeurs », dit-il, ajoutant : « Il faut avoir connu l’adversité totale pour éprouver la vraie joie. » Comme il le fait chaque été depuis quarante-cinq ans, Kauffmann se prépare à s’enfermer durant un mois dans le phare d’une île bretonne pour écrire. Est-il possible de retrouver la plénitude du sentiment de liberté lorsqu’il nous est arrivé de perdre celle-ci ?