Un homme et deux femmes
Un poilu qu’on croyait mort réapparaît. Deux femmes prétendent qu’il est leur homme. Un premier film bouleversant.
Julie Delaunay (Leïla Bekhti) dirige un studio photo. Émancipée, elle gagne bien sa vie, mais souffre atrocement : son mari n’est pas rentré du front. Ni vivant ni mort. Contre l’avis de ses proches, elle est persuadée qu’il est encore en vie. Un cas sauf isolé : 300 000 soldats français n’ont-ils pas été déclarés disparus entre 1914 et 1918 ?
Quand paraît dans un journal la photo d’un ex-poilu amnésique retrouvé sur le quai d’une gare, joie et soulagement l’envahissent : c’est son homme ! Mais elle est bien la seule à en être sûre. Ni son beau-frère, ni les médecins, ni l’intéressé lui-même ne partagent sa certitude. Surtout que débarque une autre femme, Rose-Marie (Louise Bourgoin), sensuelle chanteuse de cabaret de son état, avançant des arguments tout aussi décisifs : cet homme, aucun doute possible, est son compagnon de travail, de nuit et de vie. Le match des amoureuses peut commencer – troublant, indécis, fascinant, cruel.
Sur des sujets voisins, Le Retour de Martin Guerre, La Chambre des officiers et Les Fragments d’Antonin s’appuyaient sur les performances exceptionnelles de Gérard Depardieu, Éric Caravaca et Grégori Derangère. Guillaume Bureau a choisi, lui, dans C’est mon homme (en salles le 5 avril), de concentrer son attention, sa caméra et sa lumière sur les deux personnages féminins qui se disputent le corps et la mémoire du front (Karim Leklou). L’idée est excellente, obligeant le spectateur à suivre successivement les points de vue des deux femmes… pareillement convaincants. Impossible de tranchée (pardon : de trancher). Les questions que (se) pose chacune des deux presque veuves, formidablement interprétées, sont vertigineuses. Est-elle aveuglée par son chagrin au point de se mentir ? Comment convaincre l’amnésique de la choisir, elle plutôt que l’autre ? Aime-t-elle l’homme en face d’elle ou le souvenir de l’homme qu’elle a aimé ? Interrogation qui traverse les femmes en couple aujourd’hui comme en 1920, non ?