PÊCHE, CHASSE, NATURE ET TRADITIONS MORTELLES
★★★ Le Guide, de Peter Heller, Actes Sud, 300 p., divinement traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy.
En voyant la couverture et le résumé, le lecteur méfiant ne peut s’empêcher de se poser la question : « Encore un livre américain sur la pêche à la truite ? ! » La fameuse « école du Montana » n’en finirait-elle pas de se répéter ? Non. La truite chère à Schubert n’est pas le sujet de ce roman hors norme. L’histoire se passe aux États-Unis dans un complexe hôtelier pour ultrariches, en altitude, où une rivière privatisée incite les clients haut de gamme à venir taquiner le moulinet. Un jeune homme, perturbé par la récente perte de son meilleur ami lors d’un périple en kayak, élevé dans un ranch par son veuf de père, y arrive en tant que « guide ». Il s’agit d’accompagner un client fortuné dans la rivière, et de lui enseigner la meilleure manière de récolter le précieux poisson avant de le relâcher. Le client est une cliente plus âgée, chanteuse richissime. Entre les deux, le courant passe, c’est de circonstance. Le gérant est hostile, l’ambiance inquiétante. Quelques indices soulèvent des questions sur la vraie nature de l’établissement. Tout bascule rapidement dans l’anxiété maximale. Inutile d’en raconter plus. Peter Heller a fait une entrée fracassante en littérature il y a dix ans avec La Constellation du chien, roman postapocalyptique meilleur que tous les classiques du genre, à l’exception de
La Route, de Cormac McCarthy. Peu après, il a écrit une autre merveille très inquiétante,
La Rivière, qui sort aujourd’hui en poche chez Totem. Il montre une nouvelle fois avec Le Guide son talent extraordinaire pour faire monter l’angoisse dans des décors naturels qu’il décrit à la perfection. Peu d’auteurs sont aussi doués.