L’AMOUR EST UN PRODUIT CONSOMMABLE COMME LES AUTRES
Quoi qu’on en dise, le cogito consumériste (« je consomme, donc je suis ») ne laisse pas que de mouvoir nos contemporains. Une compagnie d’assurances l’a compris, qui propose une « assurance dating ». Elle est censée vous prémunir contre maints tourments consécutifs à l’échec des rendez-vous amoureux qui prolifèrent via les sites de rencontre : en cas de revers, seraient remboursés « tous les frais engendrés par les “dates” : verres, restaurants, mise en beauté… » Pourquoi pas ? À condition de savoir de quoi l’on parle ! Car, à l’heure où la consommation libidineuse de masse est la cause première du succès de ces sites, s’agit-il encore de « rendez-vous amoureux » ou de « rendez-vous clientèle » ? Quand misère sexuelle des uns et misère affective des autres s’entrenourrissent, contribuant à la prolifération du « dating » sous toutes ses formes, convient-il encore de parler d’amour ? Quant aux tourments générés par l’échec de ces rencontres, sont-ils autre chose que le préjudice matériel subi par un consommateur dépité ? On voit par là que la proposition de l’assureur est en phase avec l’esprit du temps qu’il se borne à exploiter. Si autrui n’est qu’une marchandise à consommer après investissement, on voit mal en quoi s’assurer contre l’échec d’une telle démarche serait condamnable. Ce que l’on voit bien, en revanche, c’est en quoi cela l’encourage en lui permettant de se répéter indéfiniment à moindres frais. Ceci afin que puisse continuer de tourner le seul moteur de l’Histoire désormais légitime : le consumérisme perpétuel.