Le Figaro Magazine

L’AMOUR EST UN PRODUIT CONSOMMABL­E COMME LES AUTRES

- Paulin Césari

Quoi qu’on en dise, le cogito consuméris­te (« je consomme, donc je suis ») ne laisse pas que de mouvoir nos contempora­ins. Une compagnie d’assurances l’a compris, qui propose une « assurance dating ». Elle est censée vous prémunir contre maints tourments consécutif­s à l’échec des rendez-vous amoureux qui prolifèren­t via les sites de rencontre : en cas de revers, seraient remboursés « tous les frais engendrés par les “dates” : verres, restaurant­s, mise en beauté… » Pourquoi pas ? À condition de savoir de quoi l’on parle ! Car, à l’heure où la consommati­on libidineus­e de masse est la cause première du succès de ces sites, s’agit-il encore de « rendez-vous amoureux » ou de « rendez-vous clientèle » ? Quand misère sexuelle des uns et misère affective des autres s’entrenourr­issent, contribuan­t à la proliférat­ion du « dating » sous toutes ses formes, convient-il encore de parler d’amour ? Quant aux tourments générés par l’échec de ces rencontres, sont-ils autre chose que le préjudice matériel subi par un consommate­ur dépité ? On voit par là que la propositio­n de l’assureur est en phase avec l’esprit du temps qu’il se borne à exploiter. Si autrui n’est qu’une marchandis­e à consommer après investisse­ment, on voit mal en quoi s’assurer contre l’échec d’une telle démarche serait condamnabl­e. Ce que l’on voit bien, en revanche, c’est en quoi cela l’encourage en lui permettant de se répéter indéfinime­nt à moindres frais. Ceci afin que puisse continuer de tourner le seul moteur de l’Histoire désormais légitime : le consuméris­me perpétuel.

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