drôle de guerre
La série « Transatlantique » (Netflix), ou l’année 1940 à Marseille par le petit bout de la lorgnette… américaine.
Pauvres profs d’histoire ! Pour ceux qui peinaient déjà à expliquer que la France devait sa libération en 1944 aux troupes alliées et non aux seuls résistants gaullistes et/ou communistes, l’affaire va se compliquer si leurs élèves regardent la série Transatlantique (Netflix). Il faudra les convaincre qu’une aventure personnelle (celle de Varian Fry qui, à la tête du Comité américain de secours et malgré la désapprobation du consulat US, organisa depuis la Canebière l’exil de centaines de réfugiés – en majorité des intellectuels fuyant l’oppression nazie en Europe, et pour la plupart juifs) ne fait pas un élan collectif. Et que non, les Américains n’ont pas activement participé à la Résistance dès l’été 1940 ; que tous les gendarmes et policiers français dans la zone non occupée n’étaient pas vendus aux nazis, corrompus, racistes, patauds et, pour tout dire, un peu cons ; que les concierges d’immeubles de luxe à Marseille n’étaient pas tous des Noirs qui organisaient la lutte armée clandestine contre l’occupant en préparant en parallèle celle contre le colonisateur français dont les méthodes, selon eux, étaient les mêmes que celles des tortionnaires du IIIe Reich (!). C’est de bonne guerre, voilà une nouvelle évocation américaine de notre pays en 1940 où les Français n’ont à aucun moment le beau rôle sauf, rappelons-le, s’ils sont des concierges issus des colonies. C’est l’avantage d’une fiction elle-même inspirée d’un roman : pouvoir, à partir de faits réels, violer l’Histoire en procurant du plaisir… au spectateur. La faute à de bons comédiens, notamment Cory Michael Smith (Fry) et Gillian Jacobs en NewYorkaise excentrique et maladroite décidée à faire le bien sur terre avec l’argent de son père. Mais aussi à la qualité de la réalisation qui, malgré un ton de plus en plus mièvre au fil des sept épisodes, moult invraisemblances et des moments plus attendus qu’une messe pascale au Vatican, jouit d’un rythme trépidant et d’un soin appréciable sur certaines scènes : ainsi d’une fête étrange, insouciante et burlesque dans la villa où se cachent Chagall, les Breton, Hannah Arendt, Duchamp ou Max Ernst. Qui sont alors dans l’attente, parfois vaine, d’un passeport pour l’Amérique. D’un miracle. D’un sauveur. Eux aussi.