Le Figaro Magazine

LA BOOMEUSE

Dans son nouveau roman, « La Péremption », Nicolas Fargues met en scène le nouveau conflit des génération­s.

- le livre de frédéric beigbeder

One man show (2002) était une satire de la télévision très efficace, Le Roman de l’été (2009), une comédie estivale à la Pascal thomas, La Ligne de courtoisie (2012), un règlement de comptes familial et brutal, J’étais derrière toi (2006), l’aventure d’un amour déconstrui­t. La chair est triste, hélas, et j’ai lu tous ses livres : Nicolas Fargues m’a toujours paru un auteur à surveiller comme son pouls. il possède le don d’ironiser sur sa propre insatisfac­tion. Les autres « ouin-ouin » se plaignent de la décadence de la civilisati­on occidental­e ; lui, se lamente uniquement sur son propre sort.

La Péremption est le destin de l’homme, nous le savons désormais. Nous avons une date limite de vente, comme tout produit périssable. La Péremption est un très bon titre pour un roman sur le nouveau conflit des généra- tions. Le personnage principal est une prof d’arts plastiques en banlieue parisienne, Zélie, qui prend sa retraite anticipée pour se consacrer à sa peinture. elle rencontre shock, un homme noir, de vingt ans de moins qu’elle. Dans ce remake du Blé en herbe, Zélie s’aperçoit du fossé qui sépare les quinquagén­aires de la génération suivante. Vieillir, c’est s’apercevoir qu’on ne comprend plus le monde. La vie est bien organisée : vers la fin, elle nous persuade qu’il faut partir. en l’occurrence, Zélie s’en va en république démocratiq­ue du Congo, à bukavu. elle parsème son voyage de considérat­ions pessimiste­s sur l’art (qui n’intéresse plus personne), la culture (qui ne fait pas le poids contre le business), la littératur­e (truc de vieux). Ce qu’elle dit des lycéens est lucide : « Une génération hermétique aux temps morts, au silence, aux conjonctio­ns de subordinat­ion et aux textes de plus de six lignes. »

Zélie fuit la France et son fils homosexuel de 22 ans qui n’a rien retenu de son éducation (et se drogue). On n’a rien lu d’aussi pessimiste sur la transmissi­on. À côté, alain Finkielkra­ut est angélique. Je me pose la question : est-ce toujours pareil ? Chaque génération ne comprend rien à la suivante ? il me semble que mes parents m’ont transmis leurs valeurs, malgré tout ; c’est donc bien la nouvelle technologi­e qui rend amnésique. La relève se fiche de tout ce qui l’a précédée, peut-être parce qu’elle se doute qu’elle n’a pas de futur. Ne m’en veuillez pas de vous conseiller un livre aussi crépuscula­ire. J’y suis cité comme l’incarnatio­n de l’intello obsolète (Nicolas, vil flatteur !). soyons solidaires : souhaitons la bienvenue à Nicolas Fargues au club des futurs « cancelés ». On ira tous à bukavu.

La Péremption, de Nicolas Fargues, P.o.l, 190 p., 19 €.

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