PASCAL THOMAS
Un visionnaire face aux khmers verts
Farouchement opposé aux pesticides, le cofondateur de la start-up agricole Futura Gaïa, une ferme en géoponie rotative qui permet de faire pousser des plantes sans chimie et avec de grandes économies d’eau, est attaqué par la Confédération paysanne du Gard qui dénonce une « technique inhumaine ».
Une profonde blessure et un grand sentiment d’injustice. Pascal Thomas, cofondateur avec Nicolas Ceccaldi de la start-up gardoise Futura Gaïa, une ferme en culture verticale où poussent, toute l’année, plantes aromatiques, salades, tomates et fraises, n’oubliera jamais le 15 avril 2023. Ce jour-là, à l’appel de la Confédération paysanne du Gard, une petite centaine de personnes viennent manifester devant chez lui, au Mas de Polvelière, à Rodilhan, où est également installé son site de recherche et développement, pour refuser « l’agriculture énergivore, déterritorialisée, hors vivant et sans paysan » et dénoncer « un pas de plus dans l’asservissement de notre alimentation à la finance ». La manifestation se passe dans le calme. Mais Pascal Thomas est sous le choc. « Je ne comprends pas pourquoi j’ai été pris pour cible directement, s’interroget-il. Pour des questions de sécurité, j’ai même été contraint de demander à ma mère, cultivatrice à la retraite, de quitter pour la première fois la maison qu’elle habite depuis 1960. C’est très dur, surtout quand on connaît la profondeur du combat que je mène depuis des années pour une agriculture durable, humaine, sans pesticides et plus respectueuse de l’environnement. À ceux qui l’ignorent, mon père, un ingénieur agronome et paysan, a en effet contracté une forme de la maladie de Parkinson directement liée à l’utilisation de produits phytosanitaires. Et cette prise de conscience est très largement à l’origine de la création de notre exploitation actuelle. »
L’histoire de Futura Gaïa commence au Canada, où Pascal Thomas, alors ingénieur informatique, vit et travaille dans le monde de la tech, après un passage chez Orange à un haut niveau. Lorsqu’il apprend la maladie de son père, il décide de tout quitter pour soutenir ses parents et rentre en France avec les siens. Très vite, il s’intéresse à la géoponie rotative, une technologie de ferme verticale développée au début des années 2000 par le chercheur américain Dickson Despommier. Inspirée des premières tours apparues dans les années 2010 à Singapour, New York, San Francisco, Berlin ou Copenhague, Futura Gaïa est fondée en 2019. En février dernier, l’entreprise a opéré une levée de fonds de 11 millions d’euros pour renforcer ses capacités en recherche et développement, ouvrir une seconde ferme à l’échelle industrielle et lancer la phase de commercialisation de sa solution. Concrètement, le système fonctionne avec des bacs garnis de terreau naturel disposés dans une roue tournant en permanence. Les plantes sont alimentées en eau par gravité (un goutte-à-goutte programmable permet d’apporter de petites doses directement à la racine de la plante, celle-ci ne recevant alors que ce dont elle a besoin), tandis que des lampes reproduisent à l’année les conditions climatiques d’une journée de juin.
RÉCOLTES EN TOUTES SAISONS
Un climat artificiel qui permet de récolter quelle que soit la saison sans être soumis à la météo, mais aussi de se passer totalement des pesticides. Autre avantage, ces installations, qui pourraient répondre à la crise alimentaire qui menace, permettent de faire de vraies économies d’eau. « Il faut 9,6 litres d’eau pour produire 1 kilo de laitue dans les fermes Futura Gaïa alors que la même récolte demande entre 100 et 250 litres d’eau en plein champ, selon le climat, soit 90 % de plus, assure Pascal Thomas. En serre, c’est 21,7 litres (+ 56 %) et dans les fermes verticales plus classiques fonctionnant en hydroponie, 13,3 litres sont nécessaires, soit tout de même 28 % supplémentaires. Dans le contexte de sécheresse qui est le nôtre, j’ai d’autant plus de mal à comprendre la colère de la Confédération paysanne. » Sauf à refuser aveuglément et idéologiquement toute évolution des modes de production.