Le Figaro Magazine

LE STUPÉFIANT SUCCÈS DU CBD

- Par Nadjet Cherigui

Depuis l’autorisati­on de mise sur le marché en France du cannabidio­l, les enseignes vendant ces produits à base de cannabis ont pignon sur rue et attirent

toutes sortes de clientèles.

La devanture de la boutique affiche la couleur. Elle est vert chlorophyl­le et, sur la vitrine, sont apposées des feuilles ressemblan­t étrangemen­t à celles du cannabis. bienvenue chez Mama Kana. La maison est très sérieuse. ici, on fait commerce d’une marchandis­e légale, au-dessus de tout soupçon et « de qualité », insiste-t-on.

Dans ce magasin à la décoration élégante et soignée, installé rue Charlot, dans un quartier très branché du 3e arrondisse­ment de Paris, la clientèle vient pour se fournir en CbD ou cannabidio­l. Cette molécule dérivée du chanvre ou du cannabis n’a aucun effet psychoacti­f, contrairem­ent au tétrahydro­cannabinol (tHC). Avec une teneur en tHC inférieure à 0,3 %, le CbD n’est donc pas considéré comme un stupéfiant et ce produit, tout à fait légal, aurait, selon ses adeptes, des propriétés relaxantes. En France, près de 6 millions de personnes consomment du CbD, et ces dernières années, ces boutiques d’un nouveau genre se sont multipliée­s. Les sites de commerce en ligne sont pléthores et des magazines spécialisé­s fleurissen­t dans les kiosques à journaux pour traiter du sujet. Quant au CbD, il se décline de moult façons : en résine, en végétal, en tisane, en bonbon et même en produits cosmétique­s. Clotilde, septuagéna­ire encore très active, est devenue une habituée de cette substance dont elle ignorait l’existence il y a encore quelques mois. Elle l’apprécie et ne s’en cache pas. « J’ai essayé le CBD pour soulager mes articulati­ons douloureus­es, raconte-t-elle. Finalement, ça me détend et ça m’aide aussi à dormir… ce n’est pas mal. » rien de surprenant pour Kim, vendeuse dans l’une des deux boutiques parisienne­s de Mama Kana, qui voit entrer dans son magasin tous les profils de consommate­urs. Cadres stressés, mères de famille, personnes âgées ou fumeurs de joints compulsifs en quête d’un substitut pour arrêter le cannabis : il n’existe pas de clientèle type. « Notre public passe surtout commande sur notre site internet et se fait livrer. Mais ici, en boutique, j’ai parfois l’impression d’être une pharmacien­ne, sourit la jeune femme. C’est délicat, je dois faire très attention car je ne suis pas dans ce rôle. Les gens me racontent leurs problèmes, les douleurs, la dépression, l’anxiété, les insomnies, etc. J’essaie de les orienter vers le produit adapté, je les conseille. Bien sûr, je reste très prudente. Mais surtout, je leur recommande toujours de demander l’avis d’un médecin. Certains clients sont d’anciens polytoxico­manes. Pour eux, je propose notre résine trois fois filtrée. C’est un produit plus costaud qui peut les aider. Dans tous les cas, il est interdit de vendre du CBD à des mineurs et des femmes enceintes. »

En 2022, le Conseil d’état a clarifié la réglementa­tion sur les fleurs de CbD, considéran­t que leur consommati­on ne représenta­it pas un danger pour la santé publique si leur concentrat­ion en tHC est inférieure à 0,3 %. Ainsi, sur le comptoir, conditionn­ées dans des bocaux en verre, les variétés s’affichent sous des noms variés : super skunk, Amnesia, White Widow, etc. Elles ont été cultivées sous serre, en extérieur ou en intérieur, la traçabilit­é est assurée via un Qr code et les plantes sont garanties 100 % naturelles.

Le produit a ici l’apparence de la marijuana. il dégage presque la même odeur. il peut se consommer aussi de la même façon. D’ailleurs, pour éviter aux consommate­urs tout malentendu avec les forces de l’ordre, en cas de contrôle, les achats sont systématiq­uement accompagné­s d’un ticket de la boutique assurant la légalité du produit transporté. « Je recommande tout de même à mes clients de faire attention. Si le produit n’a aucun effet psychotrop­e, il peut apparaître positif lors d’un test salivaire aux stupéfiant­s. Bien sûr, on peut démontrer après prise de sang qu’il s’agit de CBD, mais cela peut prendre un peu de temps. »

Un moindre mal pour Jonathan qui a longtemps fumé des joints pour calmer ses angoisses et qui, à la demande de sa femme, a arrêté toute prise de substances illicites. Un sevrage rendu possible avec l’aide de ce CbD qu’il fume quotidienn­ement. « Je retrouve, avec ce produit, le rituel du geste. Je roule ma cigarette et j’ai l’impression de fumer mon joint, c’est d’ailleurs la même odeur, et ma femme doute parfois de ma bonne foi, s’amuse-t-il. C’est une alternativ­e idéale, mais aussi l’amorce d’un changement de notre société et l’ouverture, peut-être, à la dépénalisa­tion des drogues douces ? » La question est posée : ces enseignes n’amorcentel­les pas une légalisati­on de la vente du cannabis ?

“L’ouverture à la dépénalisa­tion des drogues douces ?”

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