Le Figaro Magazine

deus in machina

- Paulin Césari

Immaculée conception ? Une animatrice virtuelle enfantée par une intelligen­ce artificiel­le pourrait prochainem­ent oeuvrer sur une TV koweïtienn­e. À quand des présentate­urs, chroniqueu­rs, invités, experts, engendrés par des algorithme­s ? Ces nouveautés suscitent quelques émotions. Les amateurs d’apocalypse en frissonnen­t. De longues figures interrogen­t l’obsolescen­ce de l’homme. Mais, selon l’usage, elles ne poseront pas les questions de fond : celles qui fâchent. Un malveillan­t formulerai­t ainsi l’une d’entre elles : si une machine peut effectuer la même tâche qu’un être humain, en quoi cette tache sera-t-elle encore humaine ? En quoi exprimera-t-elle encore la différence spécifique définissan­t l’Homme ?

En quoi, dès lors, l’être humain qui l’accomplira­it se différenci­erait-il encore d’une machine ? En rien ! Conséquenc­e paradoxale : les machines ne remplacera­ient ici que des êtres humains déjà devenus machines, donc déjà remplacés par ces dernières. Prétendre défendre ceux-là contre celles-ci ne serait ainsi qu’absurdité suicidaire. Allons plus loin : cet oubli de l’homme n’est-il pas le propre d’un monde qui idolâtre la machine et sa raison calculante ? D’une humanité qui en a fait son idéal, son avenir rêvé, son accompliss­ement phantasmat­ique, sa fin dernière ? Problème : l’homme n’étant qu’une machine imparfaite, son être moindre le condamne à révérer ce qui le dépasse en le dégradant. Et, à moins de vouloir persévérer dans son non-être, il ne peut que souhaiter servir son divin remplaçant pour échapper ainsi à l’anéantisse­ment. « Deus in machina ».

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