deus in machina
Immaculée conception ? Une animatrice virtuelle enfantée par une intelligence artificielle pourrait prochainement oeuvrer sur une TV koweïtienne. À quand des présentateurs, chroniqueurs, invités, experts, engendrés par des algorithmes ? Ces nouveautés suscitent quelques émotions. Les amateurs d’apocalypse en frissonnent. De longues figures interrogent l’obsolescence de l’homme. Mais, selon l’usage, elles ne poseront pas les questions de fond : celles qui fâchent. Un malveillant formulerait ainsi l’une d’entre elles : si une machine peut effectuer la même tâche qu’un être humain, en quoi cette tache sera-t-elle encore humaine ? En quoi exprimera-t-elle encore la différence spécifique définissant l’Homme ?
En quoi, dès lors, l’être humain qui l’accomplirait se différencierait-il encore d’une machine ? En rien ! Conséquence paradoxale : les machines ne remplaceraient ici que des êtres humains déjà devenus machines, donc déjà remplacés par ces dernières. Prétendre défendre ceux-là contre celles-ci ne serait ainsi qu’absurdité suicidaire. Allons plus loin : cet oubli de l’homme n’est-il pas le propre d’un monde qui idolâtre la machine et sa raison calculante ? D’une humanité qui en a fait son idéal, son avenir rêvé, son accomplissement phantasmatique, sa fin dernière ? Problème : l’homme n’étant qu’une machine imparfaite, son être moindre le condamne à révérer ce qui le dépasse en le dégradant. Et, à moins de vouloir persévérer dans son non-être, il ne peut que souhaiter servir son divin remplaçant pour échapper ainsi à l’anéantissement. « Deus in machina ».