Le Figaro Magazine

HITLER, CÔTÉ ALCÔVE

- Jean-Louis Tremblais

★★★ Jusqu’à la chute. Mémoires du majordome de Hitler, de Heinz Linge,

présentés et annotés par Thierry Lentz, 336 p., 22 €.

Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre », dit-on. Heinz Linge (1913-1980), majordome et inconditio­nnel d’Adolf Hitler, fait mentir le proverbe. Telle qu’exprimée dans ces Mémoires publiés après sa mort (et qui viennent seulement d’être traduits en France), son admiration pour celui qu’il appelait « Der Chef » (le Chef) n’a jamais varié d’un iota. Cet ancien maçon, engagé dans la SS dès 1933, a partagé l’intimité du Führer pendant vingt ans. « Jusqu’à la chute », comme le rappelle justement le titre, puisqu’il fut chargé par son patron de brûler son cadavre et celui d’Eva Braun, après leur suicide dans le bunker de la chanceller­ie, à Berlin, en mai 1945. Capturé et emprisonné par les Soviétique­s, Heinz Linge ne fut libéré qu’en 1955, non sans avoir été régulièrem­ent torturé et tabassé par ses geôliers, désireux de lui faire cracher un portrait peu flatteur d’Adolf Hitler. Présenté et commenté par Thierry Lentz, ce document exceptionn­el n’est pas un « témoignage de plus », mais une mine d’informatio­ns inédites. On y apprend comment la garde rapprochée du Führer fit déjouer des attentats tous plus pittoresqu­es les uns que les autres (à la fleur empoisonné­e ou au chien enragé !). Ou des détails plus scabreux infirmant la légende d’un Hitler impuissant. « D’après mes observatio­ns, note-t-il, les relations sexuelles entre Hitler et Eva Braun étaient même particuliè­rement vives. » Ombre portée du « Chef », Heinz Linge y raconte – vrais ou faux – des épisodes stupéfiant­s, comme ce pèlerinage effectué dans les Flandres après la défaite de 1940. L’ex-caporal Hitler, ému de se retrouver sur les lieux où il avait été cantonné pendant la Grande Guerre, s’y entretient chaleureus­ement (sans interprète, et donc en français !) avec ses logeurs de l’époque. « Aucun d’entre nous ne put comprendre ce dont ils parlèrent », se souvient le majordome, […] Je n’appris que trente-sept ans plus tard qui il avait fait alors rechercher : c’était Charlotte Lobjoie, une humble fille de ferme avec laquelle il avait eu un fils, nommé Jean-Marie. » Aussi captivant qu’un thriller, l’ouvrage se lit d’une traite, du paradis perdu (du point de vue de Linge) jusqu’à l’apocalypse finale.

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