LE POSTIER
Christian Authier, homme de Lettres, rend hommage aux lettres.
Les hussards (blondin, Déon, Nimier) ont influencé les nouveaux hussards (besson, Neuhoff, tillinac) ; les nouveaux hussards ont enfanté les néo-néo-hussards (bonnand, Frébourg, Guibourgé, Parisis, Van der Plaetsen) ; et le dernier héritier de cette dynastie se nomme Christian authier. Ce binoclard toulousain est le greffier de l’impertinence de ses prédécesseurs. Les titres de ses livres résument son parcours : Enterrement de vie de garçon (2004), Les Liens défaits (2006), Une belle époque (2008), Une certaine fatigue (2012), Des heures heureuses (2018) et Demi-siècle (2021). Chacun de ses romans semble le chapitre d’une existence balisée. La mélancolie qui s’en dégage est tissée de flâneries le long de la Garonne et de citations d’aînés réactionnaires. bernard Frank s’est beaucoup moqué de ces auteurs de droite mais il reconnaissait leur exigence formelle : brièveté brusque, formules légères, références démodées, tristesse chic. Quelques pages serrées comme un noeud de cravate Windsor, tel est le refuge confortable des hommes désenchantés de n’avoir pas réussi à empêcher leur pays de dégringoler. Les livres de Christian authier se regardent comme un film en noir et blanc. Le dernier, Poste restante, est aussi le plus autobiographique. il évoque ses parents postiers et sa propre expérience d’étudiant facteur, à l’époque où la Poste s’appelait encore « les Ptt ». On ne se moque pas : Charles bukowski a écrit son meilleur livre sur ce sujet (Post Office, 1971 - Le Postier en français). en brossant ce tableau nostalgique des bureaux de poste en voie de disparition, authier rend surtout hommage à l’écrit sur papier, à l’art de la correspondance privée, aux enveloppes aussi timbrées que nous, aux cartes postales chères à Henry Jean-Marie Levet, Paul-Jean toulet et sébastien Lapaque.
Poste restante est une ode à ces drôles de bonshommes à vélo qui apportaient le courrier chez vous, déguisés en Jacques tati dans Jour de fête ou Dany boon dans Bienvenue chez les Ch’tis. C’est aussi un témoignage sur le monde qui précéda la prise de pouvoir des robots et des logiciels. Dans vingt ans, ce sera un livre d’Histoire, quand les lettres seront rédigées par ChatGPt 4 et lues par un Neuralink connecté à notre cerveau. Nos enfants le liront en se demandant de quoi parle Christian authier. – alors comme ça il y avait des gens qui distribuaient des enveloppes en vrai ?
– Mais oui, chéri. On écrivait soi-même l’adresse dessus. et à l’intérieur, pliée en trois, on glissait une lettre d’amour.
– Dis, papa, c’était quoi, déjà, l’amour ?
Poste restante, de Christian Authier, Flammarion, 208 p., 19 €.