Le Figaro Magazine

DU CÔTÉ DE CHEZ JULES

★★★ Les Rêveries de Barbey de Jean-François Roseau, Le Cherche Midi, 179 p., 18,90 €.

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Ces « rêveries de Barbey » sont en fait celles de l’auteur, Jean-François Roseau. Il se promène, divague, digresse, parfois même n’est pas loin du délire, dans le jardin abandonné de l’écrivain normand. C’est tout l’intérêt de son livre. Sur la couverture, le mot « récit » précise qu’il ne s’agit pas d’un énième essai sur le dandy corseté baptisé, on ne sait trop par qui, « Connétable des Lettres ». « Dans ce décor marqué par la surenchère architectu­rale de nos gloires littéraire­s, Barbey d’Aurevilly est un manoir en ruine sur le bord de la route. » Les ruines ont leurs amateurs, et Barbey, sans doute peu lu aujourd’hui, conserve une sorte de secte d’archéologu­es lecteurs fidèles. Roseau construit des ponts le reliant à Rimbaud, Proust, Céline, fait des comparions improbable­s avec Simenon. C’est ce qui les rend intéressan­tes. Il évoque le « kitsch » des premiers ouvrages de l’auteur, raconte comment il a su évoluer et s’en délester en le comparant au cheminemen­t de Julien Gracq. C’est bien vu. Il parle de sa misogynie avérée alors qu’à l’époque d’Une vieille maîtresse ou des Diabolique­s, aucun personnage féminin n’avait été aussi émancipé, n’oublie pas ses amis Guérin, Trébutien et Bloy.

Il souligne sa détestatio­n du réalisme : Zola qualifié de « Michel-Ange de la crotte », « taillé dans l’excrément humain ». Barbey préférait le surnaturel « qu’il s’échine, non à montrer, mais à faire entrevoir. » Ses brouillons délirants (voir le haut de la jaquette du livre), il les enluminait comme des livres d’heures, dans un désir manifeste de postérité. Jean-François Roseau dépasse le stade du tombeau à l’écrivain qu’il admire : il signe une déclaratio­n d’amour à la littératur­e. Joliment exécutée.

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