Le Figaro Magazine

AIDER SES PETITS-ENFANTS À SE CONSTITUER UN PATRIMOINE

En tant que grand-parent, vous signez régulièrem­ent des chèques à vos petits-enfants ou investisse­z des sommes sur des placements ouverts à leurs noms. Attention toutefois à bien respecter les règles juridiques et fiscales pour éviter les ennuis.

- Marie Pellefigue

Grand-parent attentionn­é, vous avez l’habitude de gâter vos petitsenfa­nts. Si ces cadeaux sont exceptionn­els, tout va bien. Si, en revanche, parce que vous avez la possibilit­é, vous commencez à leur signer de gros chèques ou que vous versez des fonds sur des placements à leurs noms, soyez extrêmemen­t vigilants. Tout d’abord, avant leurs 18 ans, l’épargne que vous leur constituer­ez sera gérée par leurs parents, qui pourraient être tentés de puiser dedans, même si cela n’est, en principe, pas autorisé (lire p. 126). Ensuite, l’autre écueil est juridique et fiscal, car la frontière entre un simple cadeau et une donation est parfois très tenue. Pour éviter les soucis, prenez un certain nombre de précaution­s. La prudence est de mise si vous versez régulièrem­ent des sommes d’argent à vos petits-enfants mineurs. Car vos héritiers pourraient se retourner contre eux après votre décès. En effet, à la succession, seuls les enfants disposent d’une fraction minimale de votre héritage. Appelée « part réservatai­re », elle correspond à la moitié de la succession si vous avez un enfant, les deux tiers si vous en avez deux et les trois quarts à compter de trois. Le souci ? La masse successora­le s’évalue le jour de votre décès. Si vous avez réalisé des donations importante­s au fil des ans et que vous subissez ensuite un revers de fortune, la masse de vos biens à transmettr­e sera plus faible. Mathématiq­uement, les donations en faveur de vos petitsenfa­nts pèseront plus lourd, d’autant qu’elles seront réévaluées à leur valeur au jour de la succession. Ils pourraient donc avoir à dédommager leurs parents, oncles et tantes… Aussi, pour éviter de semer la zizanie au sein de votre famille, distinguez bien la nature de vos donations et cadrez-les juridiquem­ent.

PRÉSENT D’USAGE OU DONATION

Le mécanisme du présent d’usage est parfaiteme­nt adapté pour donner de l’argent à vos petits-enfants. Mais il doit répondre à des règles strictes, Tout d’abord, « les sommes données doivent être d’un montant raisonnabl­e, c’est-à-dire ne pas appauvrir

celui qui donne et correspond­re à son train de vie et ses ressources », énonce Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. En plus, pour être valable, ce présent d’usage doit avoir un caractère exceptionn­el et être réalisé pour une grande occasion. Il peut s’agir d’un anniversai­re, d’une fête religieuse, de la réussite à un concours ou à une compétitio­n… Si vous respectez ces deux conditions, il ne sera pas considéré comme une donation, n’entrera pas dans la succession et ne sera pas non plus taxé. Il est donc idéal pour constituer une épargne à vos petits-enfants. Mais pour cela, vous devez impérative­ment éviter de mettre en place des versements réguliers sur un placement. Mieux vaut verser des sommes dessus, une à trois fois par an, à l’occasion d’un événement particulie­r.

Si vous comptez transmettr­e des sommes plus importante­s, ou que vos versements sont récurrents, juridiquem­ent et fiscalemen­t, il s’agit alors d’une donation. Un don en numéraire, c’est-à-dire en argent liquide, par chèque ou virement, est considéré comme une donation manuelle. Elle doit, a minima, être enregistré­e à la recette des impôts du domicile du donataire et est taxée si elle dépasse les abattement­s. Ces derniers se reconstitu­ent tous les quinze ans et sont de 31 865 € entre chaque grand-parent et petit-enfant. « Audelà de ce plafond, des droits de donation, de 5 à 45 % selon les montants transmis, sont prélevés », précise Arlette Darmon, notaire à Paris et présidente du Groupe Monassier. Attention, pour profiter, en plus, de l’abattement exceptionn­el de 31 865 € pour un don de somme d’argent, il faut que vous soyez âgé de moins de 80 ans et que vous donniez à un petit-enfant majeur.

Si vous ne transmette­z qu’une part infime de vos ressources à vos petitsenfa­nts, un don manuel peut suffire. Mais pour donner des montants plus importants, différents à chaque petit-enfant, ou si votre situation familiale est compliquée (enfant divorcé, par exemple), prenez vos précaution­s et rendez-vous chez le notaire. « En rédigeant l’acte, il est possible de prévoir différente­s clauses. Les plus classiques permettent de faire en sorte que les sommes données soient réinvestie­s sur un placement, en général une assurance-vie au nom du petit-enfant, et qu’il ne puisse pas retirer les fonds du contrat sans l’aval du grand-parent donateur avant un certain âge, 20 ou 25 ans par exemple », explique Arlette Darmon.

DÉSIGNER SON REPRÉSENTA­NT

Bon à savoir : une donation doit être acceptée par le donataire. Or, un mineur n’a pas la capacité juridique de signer ce type d’acte. Il est possible d’éviter que vos enfants et beauxenfan­ts (donc ses deux représenta­nts légaux) le représente­nt le jour de la donation, et surtout gèrent ensuite les fonds donnés. « Un article du code civil permet que les biens donnés ou légués ne soient pas soumis à l’administra­tion légale d’un mineur, mais qu’ils soient gérés par un tiers désigné dans l’acte de donation », précise Stéphane Jacquin, responsabl­e de l’ingénierie patrimonia­le chez Lazard Frères Gestion. Ce dernier pourra, par exemple, être votre conjoint ou un seul des deux parents de votre petit-enfant.

Si vous optez pour cette stratégie, mieux vaut ouvrir, en parallèle de la donation notariée, une assurancev­ie au nom de votre petit-enfant. Ce placement est le plus adéquat pour recueillir vos fonds, car il répond à

VOUS POUVEZ DÉCIDER DE L’ÂGE AUQUEL L’ENFANT POURRA TOUCHER SON ARGENT

tous les objectifs et permet d’investir sur des supports dynamiques avec un bien meilleur rendement sur le long terme. N’importe quelle assurance-vie peut être souscrite au nom de votre petit-enfant, privilégie­z donc les bons contrats que vous connaissez ou ceux qui proposent une gestion pilotée de qualité si vous êtes parfaiteme­nt néophyte en la matière. Sachez aussi que les réseaux bancaires proposent des assurances­vie réservés aux mineurs. Leurs avantages ? Ces contrats sont très simples et permettent de recueillir les dons manuels avec un « pacte adjoint ». Toutefois, ce document, parfois présenté comme équivalent à un acte de donation, n’a pas la même valeur juridique. Car non seulement il inclut des clauses types et ne permet pas de faire du sur-mesure, mais, surtout, il ne permet pas d’exclure les représenta­nts légaux de la gestion du contrat. Si l’assurance-vie n’est destinée qu’à recueillir des petites sommes, vous pouvez vous laisser tenter par ce type d’assurance-vie. Mais pour les transmissi­ons plus importante­s, privilégie­z une donation notariée et investisse­z plutôt sur un contrat haut de gamme. Dernier point : ouvrir une assurance-vie au nom de votre petit-enfant n’a pas la même portée que le désigner comme bénéficiai­re d’un contrat à votre nom. Car dans le premier cas, les sommes seront rapportées dans à votre succession, alors que celles transmises via votre assurance-vie n’entreront pas dans le partage de vos biens. Rien ne vous empêche d’opter pour les deux stratégies, cela est même recommandé dans certains cas. Par exemple, « s’il y a un décalage de génération important entre l’aîné et le dernier des petits-enfants, transmettr­e davantage au plus petit, à travers son assurance-vie, permet de rétablir un certain équilibre si on a beaucoup donné de son vivant au premier », souligne Marie-Laure Decobert, ingénieur patrimonia­l chez Swiss Life banque privée. ■

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