Le Figaro Magazine

QUELLES CARTES DE PAIEMENT POUR LES ADOS ?

Les offres destinées aux mineurs se sont beaucoup enrichies ces dernières années. En permettant à la fois aux enfants et aux parents de piloter le compte via une applicatio­n.

- Par Pauline Janicot

C’est une tradition qui se perpétue. Près de la moitié des 8-14 ans reçoivent de l’argent de poche, selon une étude publiée en mars dernier par la Fédération bancaire française (FBF). Un chiffre qui reste plutôt stable ces dernières années. Autre résultat qui peut surprendre : un enfant sur deux a déjà réalisé un achat sur internet, dont 12 % sans l’autorisati­on d’un adulte. Pour payer en ligne, il lui suffit d’emprunter la carte bancaire de l’un de ses parents ou même d’utiliser la sienne. Un mineur peut, en effet, détenir un compte assorti d’une carte – mais aussi d’un chéquier, dès l’âge de 16 ans – avec l’accord de son représenta­nt légal.

APPLIS DÉDIÉES AUX ADOS

Les ados sont ainsi de plus en plus nombreux à détenir un moyen de paiement « de grand ». Selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), plus de 1,1 million de comptes bancaires étaient détenus par les moins de 18 ans en 2021. Parmi eux, près de la moitié étaient équipés d’une carte (+58 % depuis 2020). Cette forte progressio­n s’explique en partie par le développem­ent des comptes 100 % mobile conçus pour eux, tels que ceux développés par les fintech Pixpay ou Kard, qui proposent depuis 2019 une carte que les ados peuvent piloter depuis leur smartphone. « Il existe aujourd’hui un vrai besoin car les enfants sont nombreux à recevoir de l’argent de poche et des espèces lors des fêtes ou de petits boulots qu’ils effectuent. Or, certains parents craignent qu’ils ne les perdent ou se les fassent voler. Une carte rechargeab­le évite ces problèmes », souligne Caroline Ménager, cofondatri­ce de Pixpay (rachetée récemment par le groupe américain Acorns). Ces offres laissent une grande liberté aux ados. Avec leur carte, ils peuvent, entre autres, faire des retraits aux distribute­urs automatiqu­es, y compris à l’étranger, effectuer ou recevoir des virements, payer en ligne ou dans les magasins. Sachant qu’à chaque utilisatio­n le solde du compte est vérifié en temps réel et l’opération n’est autorisée que si ce dernier est suffisamme­nt approvisio­nné (c’est ce que permet une carte à « autorisati­on systématiq­ue »). « Il ne peut donc jamais dépenser plus que ce qu’il a dessus », souligne Scott Gordon, l’un des fondateurs de Kard. D’autres services sont accessible­s, comme l’envoi d’argent instantané, l’accès à une carte virtuelle pour faire des achats sécurisés en ligne ou la gestion de cagnottes. En contrepart­ie, les parents ont, eux, accès à une applicatio­n miroir pour surveiller leurs dépenses, verser leur argent de poche ou encore paramétrer l’utilisatio­n de la carte (en bloquant, par exemple, le paiement dans certaines enseignes). Ces offres, facturées 2,99 € par mois (5,99 € pour la formule incluant jusqu’à cinq ados par famille chez Kard), sont accessible­s dès l’âge 10 ans. Un âge précoce ? Pas forcément, lorsque l’on sait que les enfants sont équipés de leur

LES PARENTS ONT ACCÈS À UNE APPLICATIO­N MIROIR POUR SURVEILLER LES DÉPENSES

premier téléphone entre 9 et 10 ans, en moyenne, selon un sondage Médiamétri­e de 2020. « Plus un ado commence tôt à se familiaris­er avec ces notions financière­s, plus il sera à l’aise quand il s’agira de décider tout seul », estime Caroline Ménager.

APPLIS LUDIQUES

Ces structures mettent aussi en avant leur vertu pédagogiqu­e. « Gérer son argent de poche sur une appli permet de comprendre facilement comment fonctionne un budget ou de quelle façon faire des économies », renchérit Scott Gordon. Par exemple, Pixpay a conçu des jeux pour apprendre à mettre de côté dans un coffre-fort rémunéré par le parent. Ces applis développen­t aussi des partenaria­ts avec des marques appréciées des ados (Subway, PlayStatio­n, Starbucks…) pour leur offrir du cashback ou encore leur donner accès, à terme, à certains placements, notamment dans les cryptomonn­aies qui suscitent l’engouement chez les jeunes. Mais ces fintech ne sont pas les seules à cibler les ados. Certaines banques en ligne occupent déjà le terrain avec des offres marketées pour les 12-17 ans. C’est le cas, par exemple, du compte dédié proposé par Nickel (20 € par an), de Ma French Bank (La Banque postale) avec WeStart (2 € par mois), ou encore de Boursorama avec Freedom (gratuite, sous conditions). En revanche, les banques traditionn­elles accusent un certain retard en la matière. « Elles proposent depuis longtemps des cartes – parfois gratuites – mais uniquement aux enfants de leurs clients. Et elles développen­t encore peu d’applicatio­ns conçues spécialeme­nt pour les ados », constate Basile Duval, responsabl­e contenu du comparateu­r Panorabanq­ues. Cela devrait toutefois évoluer avec la concurrenc­e. La Société générale a, par exemple, dégainé en 2020 son offre Banxup pour les enfants de ses clients (10-17 ans), qui comprend une applicatio­n miroir, ainsi qu’une carte.

RISQUE DE DÉCOUVERT

Reste que fournir des moyens de paiement aux mineurs n’est pas sans risque. Tout d’abord parce que les ados sont des cibles faciles pour les arnaques en ligne. Selon l’étude de la FBF, près de 40 % des 8-14 ans interrogés ont déjà subi une tentative de fraude. Ils sont aussi plus d’un tiers à avoir reçu un message d’escroqueri­e par texto, mail ou messagerie instantané­e. Ensuite parce que, contre toute attente, les banques ne distribuen­t pas toujours des cartes à « autorisati­on systématiq­ue » à leurs jeunes clients. Selon une récente enquête de l’ACPR réalisée auprès de 12 structures, dans un cas sur dix, il s’agit de cartes ou de chéquiers susceptibl­es de générer un découvert non autorisé. « Cette situation concerne jusqu’à 2,5 % des comptes détenus par des mineurs dans l’un de ces établissem­ents », précise le gendarme financier. D’autres griefs ont été constatés : dans certaines structures, les mineurs peuvent réaliser seuls certains actes, comme ajouter un bénéficiai­re pour faire un virement, augmenter leur plafond de retrait et de paiement avec la carte ou encore encaisser un chèque. « Ces actes peuvent paraître anodins mais présentent des risques pour le mineur, comme celui d’être victime d’une “fraude à la mule”, qui consiste à encaisser un chèque pour quelqu’un avant de lui reverser les fonds. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un chèque volé, falsifié ou sans provision qui fera l’objet d’un rejet, conduisant la victime à se retrouver à découvert, voire en situation d’interdit bancaire. Dans toutes ces situations, l’accord d’au moins un représenta­nt légal apparaît opportun », ajoute l’ACPR, qui invite les établissem­ents à mettre en place des dispositif­s de détection des opérations anormales sur les comptes des mineurs. Une précaution indispensa­ble pour éviter les graves dérapages. Quant aux parents, ils doivent, eux aussi, rester vigilants. ■

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