LES JEUNES SENSIBILISÉS AUX QUESTIONS FINANCIÈRES

La question de l’instruction financière des ados émerge dans l’éducation nationale. Le ministère espère que la généralisation du nouveau passeport Educfi fera bouger les lignes.

Vous avez vu Madame ? Le taux du Livret A est passé à 3 % ! » L’interpellation a de quoi surprendre dans les couloirs d’un collège. Et pourtant, c’est bien l’un de ses élèves de quatrième qui a tenu à partager cette information avec Marine, sa professeur de mathématiques, début février. La raison de cet intérêt pour l’actualité bancaire plutôt inattendu chez un ado ? Tous les élèves de quatrième de ce collège rural de l’Oise ont passé, avant Noël, le passeport Educfi (pour éducation financière). Un atelier de deux heures et demie pour sensibiliser les adolescents à la gestion d’un budget. L’exercice a été très bien accueilli dans le collège de Marine : « La plupart des élèves étaient très intéressés car ils parlent rarement d’argent avec leurs parents.»

LES PARENTS SONT PARFOIS RÉTICENTS À PARLER D’ARGENT

De fait, le sujet reste encore tabou entre les jeunes et leurs parents – en dehors bien sûr de la question de l’argent de poche, que les ados savent généralement très bien négocier. Mais les enfants, même grands, ont rarement connaissance du montant des revenus et des dépenses de leurs parents, lesquels n’ont pas toujours l’envie ou les ressources pour les initier aux arcanes du budget familial ou aux mystères du taux effectif global. Et si cette éducation économique, budgétaire et financière revenait à l’école ? Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2022, Educfi est censé être proposé à deux classes par collège, en priorisant celles de quatrième. Le principe ? L’Éducation nationale met à la disposition des enseignants des ressources clés en main, dont un diaporama de 28 pages et une formation en ligne, élaborés par la

Banque de France (BdF), partenaire du ministère sur ces questions depuis 2016. L’objectif est principalement de lutter contre le surendettement. En baisse depuis quelques années, il a tout de même concerné 120 968 foyers en 2021. Pour toucher quelques jeunes supplémentaires, certains des 32 000 ados volontaires du service national universel (SNU), entre deux séries de pompes et un lever de drapeaux, ont aussi pu participer à des ateliers animés par des intervenants de la BdF.

Dans le collège de Marine, ce sont les professeurs de mathématiques qui se sont emparés du sujet. « Cela nous semblait naturel puisque le passeport utilise des notions de notre programme, comme les pourcentages. Mais le contenu proposé par le ministère est trop frontal. Or, nous voulions pouvoir faire travailler nos élèves en groupe et permettre les interactions. Nous l’avons donc mis à notre sauce. » Chaque atelier s’est déroulé par petits groupes, en simulant des familles : avec enfants, avec étudiants, monoparentales ou avec une personne à la retraite. Chaque groupe devait réaliser une affiche avec un budget, puis comparer les situations en échangeant entre eux. Le tout se terminant par trente minutes de quiz pour décrocher le passeport.

208 000 ÉLÈVES FORMÉS CETTE ANNÉE

Le bilan est positif : « On le refera tous les ans pour tous les élèves de quatrième », confirme Marine. De fait, Educfi monte doucement en puissance. En 2021-2022, plus de 50 000 jeunes ont passé le passeport, un chiffre qui grimpera à 208 000 pour 2022-2023. Suffisant pour transformer des ados en bons gestionnaires des finances familiales ? « Non, évidemment, il faudrait refaire ce genre d’atelier quand ils seront plus grands, par exemple au lycée », suggère l’enseignante. De plus, ce passeport vient s’ajouter à la somme des petits plus qui finissent par faire déborder les emplois du temps des établissements, et notamment les heures de vie de classe, alors que certains objectifs pourtant au programme, comme les deux cours annuels d’éducation à la sexualité, ne sont absolument pas remplis. Apprendre à gérer le budget familial ou à se protéger des MST, faudrat-il choisir ? ■