ROBERT F. KENNEDY JR. L’héritier écolo et antivax qui défie Joe Biden
Le neveu de John, l’ancien président, et fils de Bob, l’ancien candidat, tous deux assassinés, se lance dans la course démocrate à la Maison-Blanche. Mais ses déclarations complotistes sur les vaccins entachent le parcours d’un homme, pourtant très en av
En politique, il y a des noms qui ont plus de sens que d’autres. Aux États-Unis, celui de Kennedy est auréolé de tragédies et de succès. Quand Robert Francis Kennedy Jr. surgit dans la course à la présidentielle en annonçant sa candidature aux primaires du Parti démocrate lors d’une déclaration véritablement hantée par les spectres de son père et de son oncle, assassinés il y a plus d’un demi-siècle, la nouvelle défraye donc la chronique. On pourrait penser qu’elle préfigure le début d’une incroyable saga politique comme ce pays en a le secret avec, en épilogue, l’entrée à la Maison-Blanche du neveu du 35e président abattu à Dallas en 1963. Mieux : cette entrée en campagne aurait pu représenter une aubaine pour le Parti démocrate dont 50 % des électeurs souhaitent une alternative à Joe Biden qui se représentera. Ce n’est pas le cas.
Raison : le Kennedy d’aujourd’hui ne ressemble pas à ceux d’hier. Ses aînés se battaient pour les droits civiques, la conquête spatiale et la fin de la guerre au Vietnam ; RFK Jr. a fait le choix d’embrasser des causes plus douteuses – et surtout très embarrassantes pour les démocrates – en souscrivant notamment aux théories complotistes les plus vaseuses. En pleine crise du Covid-19, en décembre 2021, alors que l’épidémie avait déjà causé la mort de plus de 800 000 personnes sur le sol américain, RFK s’imposait comme une figure de proue du mouvement antivaccin… tout en organisant une réception à son domicile en exigeant des invités de montrer un passe vaccinal.
Une posture déroutante, au regard de ce qu’incarnait l’homme au début de sa carrière. Diplômé de droit de l’environnement en 1987, il s’engage, dès la fin des années 1990, dans la sensibilisation des problèmes liés à la pollution de l’air et de l’eau – en fondant notamment Waterkeeper Alliance, une ONG dédiée à la protection des cours d’eau. Lors des mandats de Barack Obama, alors que le combat écologique n’est pas au centre des débats publics comme aujourd’hui, il s’oppose frontalement au projet de pipeline Keystone XL. En 2017, il déclarait à ce sujet que les projets comme celui-ci « ne profitent pas au peuple, mais à quelques magnats du pétrole milliardaires qui font leurs richesses en appauvrissant les Américains et en les dépouillant de leurs précieuses ressources naturelles ». Un écolo vert – trop vert, même, pour certains démocrates à la fin des années 2000.
CRITIQUE SUR LES VACCINS COMME SUR L’UKRAINE
Aujourd’hui, sans ses derniers déboires sur les vaccins, il aurait pu être assez mûr pour incarner le candidat idéal d’une gauche américaine désormais obsédée à outrance par les thématiques environnementales. Il aurait même pu apporter un peu de bon sens politique et de pragmatisme dans le discours fin-du-mondiste et catastrophiste qui rend assourdissant tout débat sur ces questions. Au lieu de ça, RFK verse dans du trumpisme réchauffé en tançant les médias mainstream et en critiquant la position de l’administration actuelle sur l’Ukraine. Difficile de savoir à ce stade si cette ligne très éloignée de celles des démocrates traditionnels séduira assez d’électeurs pour incarner une réelle alternative au sein du parti, ou pour remettre en question l’évidence de la candidature Biden. Quant à convaincre des républicains de passer de l’autre côté de la haie, c’est encore plus improbable : pour certains trumpistes, le nom de Kennedy est tout autant représentatif du système que celui de Clinton. Au sein même de cette influente famille, d’ailleurs, la candidature de RFK Jr. ne fait pas l’unanimité : beaucoup de ses membres ont fait savoir en coulisses que leur soutien irait à Joe Biden.