LE PERDANT ET LE PERDANT
★★★ Les Amis de passage de Philippe Ridet, Éditions des Équateurs, 187 p., 19 €. M
Les livres sur les amis d’enfance, les amours adolescentes dont on retrouve les lettres dans un grenier, on connaît. Philippe Ridet ne mange pas de ce pain-là. Un jour, adulte, Ponthus, fils de petitsbourgeois socialistes, apprend que Zoran s’est suicidé. Ils n’étaient pas proches. Durant les neuf mois d’une année scolaire en classe de quatrième, ils se sont vaguement fréquentés. Sans plus. Zoran avait quitté sa Croatie natale pour s’installer dans une petite ville de province française, dont on ignore le nom. Probablement entre la Bourgogne et la Franche-Comté.
Zoran a eu un grave accident au volant d’une moto Kawasaki, s’est mis à claudiquer, à boire plus que de mesure, puis s’est acheté des grosses berlines allemandes, et s’est mis à fréquenter des clubs « libertins », comme disait DSK. Ponthus, s’est installé à Paris et a travaillé pour une société censée implanter des médiathèques dans des villes de province désertées, dont l’auteur fait un portrait aussi juste qu’effrayant. Pour Ponthus, trois mariages, ratés, autant d’enfants. Pour Zoran, le désespoir silencieux, qui le pousse à se pendre. Philippe Ridet, grand styliste, est incroyable : il signe cette histoire entre deux personnages que personne n’a envie d’aimer, ni la victime ni le parvenu (« Ponthus ne savait pas ce qu’était l’amitié, cette sorte de mariage sans divorce »). C’est très rare. Le livre est glaçant, sans espoir. Les bons sentiments ne dégoulinent pas. Ponthus est gêné par cette vieille connaissance qui revient épisodiquement dans sa vie. En filigrane se pose l’éternelle question : qui a fait le bon choix ? Et s’il n’y en avait pas ?