Le pamphLet comme antidote
Nos ancêtres gaulois étaient d’un tempérament querelleur, nous enseignaient autrefois les manuels scolaires. C’est un trait de l’esprit français. Dans cette Anthologie des pamphlétaires du XVIe au XXe siècle, sous-titre de l’ouvrage, Daniel Cosculluela, psychiatre et anthropologue, collaborateur de l’hebdomadaire satirique
Hara-kiri, fait revivre les bretteurs et grincheux les plus inspirés de la littérature nationale. Si certains nous sont connus, comme Rivarol, Édouard Drumont, Léon Bloy ou Barbey d’Aurevilly, nombre de ces plumes de choc ont sombré dans les oubliettes de l’Histoire. En effet, qui lit encore Zo d’Axa, « le mousquetaire de l’anarchie », Pierre-Antoine Berryer,
« le Cicéron du légitimisme », Gaston Couté,
« le merle du peuple » ou Mathurin Régnier,
« héraut de la licence » ? Ils viennent de tous les horizons politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite, de toutes les obédiences spirituelles, de l’athéisme au panthéisme, en passant par le catholicisme forcené. Leurs points communs sont l’irrévérence et l’insoumission à tous les pouvoirs. Sans oublier un panache à la Cyrano de Bergerac, aussi admirable que dangereux puisqu’il en a mené plusieurs en exil ou en prison. Le moment est bien choisi pour ressusciter ces « enragés de la liberté », comme le souligne André Bercoff dans sa préface : « Il est devenu aujourd’hui évident, dans une France divisée, communautarisée, archipelisée, partitionnée, voire grand-remplacée pour certains, de constater les ravages de la censure, et surtout de l’autocensure, du langage aseptisé et des affrontements sous vide. En ce règne de platitude généralisée et de peur panique d’employer les vrais mots pour désigner les vrais maux, alors que la rue gronde et que le désordre se maquille en ordre, il est grand temps de se remettre à penser à haute voix et de se ressourcer chez ces écrivains, journalistes, poètes, auteurs, prêtres, rentiers, ouvriers, furieux par lucidité, insurgés par intelligence, dont cette anthologie dresse les blasons, ne fût-ce que pour reformuler les raisons de se révolter. » Et nous conclurons sur le constat de Daniel Cosculluela : « Au vrai, il n’y a pas de vie intellectuelle et donc de vie tout court, sans polémique, c’est-à-dire sans combat et sans action. » Sabre au clair, donc ! Les Enragés de la Liberté, de Daniel Cosculluela, éditions Max Milo, 370 p., 24,90 €.