MALAISE DANS LA DÉCIVILISATION
Décivilisation », « barbarie », « ensauvagement ». Ces mots énéralement trop grands pour ceux qui les emploient ont soudainement ressurgi. Ils ont ému les politiques, fait jaser la médiasphère et suscité quelques débats embryonnaires vite avortés. La vanité et la vacuité de ces tintamarres ont montré qu’au fond, rien de tout cela n’était sérieux. Que les choses décrites par ces mots pouvaient donc leur survivre et croître sans craintes ni tremblements. La raison de cette impunité ? On la trouve paradoxalement dans le discours qu’Emmanuel Macron fit à Roubaix : « Il faut être intraitable sur le fond. Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. Il faut travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation. »
Au-delà des poncifs compassionnels circonstanciés, que nous dit précisément cette affirmation ? Rien ! Rien de ce qu’il faudrait savoir
« en profondeur » pour comprendre et délégitimer la « décivilisation ». Autrement dit, rien de ce qu’est la civilisation dont la barbarie serait la négation. Rien de ce que seraient ses plus hautes valeurs, fondements et origines. Or, comment comprendre le contraire d’une chose si l’on ne sait rien de la chose elle-même ? Quant à la « violence »
mentionnée, elle ne nous éclaire en rien puisqu’il n’est de civilisation qui ne soit née dans la violence et qui ne soit, pour survivre, contrainte de l’utiliser face à sa barbarie contraire. Il est permis de voir en ce vide conceptuel un symptôme : celui de la
« décivilisation » qu’il prétend combattre et dont il est le plus sûr auxiliaire.