Comment pékin effaCe Le peupLe ouïghour
Les drames se jouent souvent à huis clos. La guerre en Ukraine qui n’en finit pas, le conflit meurtrier entre Israël et le Hamas, la crise énergétique mondiale, le probable retour de Trump à la présidence américaine, n’est-ce pas assez pour occuper l’attention de la communauté internationale ? Loin des caméras, dans une opacité totale, le gouvernement chinois a les mains libres et en profite pour réprimer les 12 millions de Ouïghours, ce peuple natif du Xinjiang, au nordouest du pays. Il faut dire que la province, ô combien stratégique pour Xi Jinping et ses affidés, regorge de pétrole et de gaz et n’a pas l’intention d’écouter les voix dissidentes, voire les velléités indépendantistes de cette minorité turcophone. Alors, gare à ceux qui refusent de faire profil bas, ils pourraient rejoindre le million de Ouïghours emprisonnés dans des centaines de camps tenus secrets. Dolkun Isa est de ces combattants-là ! Cette figure de proue de l’opposition politique en exil a refusé de courber l’échine et demeure la bête noire de Pékin. Dans Le Piège chinois, il livre un témoignage glaçant sur sa vie devenue un enfer, mais dénonce surtout les rouages implacables d’un régime qui applique en toute impunité sa politique d’éradication d’une culture et instille la terreur sur les opposants et leur famille.
Nous sommes en 1994 quand Dolkun Isa est contraint de fuir à Ankara après avoir été interrogé et accusé de complot par la police chinoise : certes il a manifesté pour des élections démocratiques dans le Xinjiang, certes il est devenu le leader étudiant de la lutte pour l’autodétermination de son peuple, mais jamais il n’aurait imaginé être persécuté en dehors des frontières chinoises. Alors qu’il est invité à une conférence aux États-Unis, en 1997, il est un temps arrêté et découvre stupéfait qu’il est recherché pour « meurtre » : la Chine a utilisé Interpol pour diffuser une notice rouge contre lui le désignant comme « terroriste ». Malgré l’absence de preuves, cette menace est restée active durant vingt et un ans, jusqu’en 2018, et chacun de ses déplacements fut une épreuve : banni des forums au siège de l’ONU, interdit de territoire en Suisse, en Italie, en Inde ou aux États-Unis, il craint d’être extradé à tout moment. Et Pékin ne desserre pas son étau : chantages, menaces de mort, kidnappings, exécutions de ses proches, il apprendra un triste 12 juin 2018 que sa mère, dont il n’avait plus de nouvelles, avait succombé en détention. Aujourd’hui président du Congrès mondial ouïghour et réfugié à Munich, Dolkun Isa accumule librement les preuves de ce qu’il nomme un génocide contre son peuple. Il veut que le monde sache la vérité…