LE MASQUE ET L’ENCLUME
NOUS VIVONS UNE ÉPOQUE FORMIDABLE, PAR NICOLAS UNGEMUTH
C’est une curieuse affaire révélée par
The Economist en mars dernier. La Belgique, rappelle le journal, s’est très mal conduite avec le Congo : à la fin du XIXe siècle, le roi Léopold II aurait transformé le territoire en une « gigantesque plantation d’esclaves », tuant et violant les autochtones à tirelarigot. Une vraie boucherie. Alors, lorsque l’actuel roi de Belgique, Philippe, s’est rendu en République démocratique du Congo en juin dernier, il a décidé « d’ouvrir un nouveau chapitre » dans les relations entre les deux pays et a rendu un masque en bois connu comme le masque Kakuungu, une parmi des milliers d’oeuvres d’art primitif qu’il a promis de restituer. Mal lui en a pris ! Le masque est vénéré par deux ethnies, les Sukus et les Yakas. Selon eux, c’est bien simple : l’objet offrirait rien de moins que le pouvoir d’invisibilité, permettrait de résister aux balles (la machette, c’est ringard) et donnerait toutes sortes de superpouvoirs à ceux qui le détiendraient. Alors, les Sukus et les Yakas ont formé une milice baptisée « Mobondo » et sont partis en guerre contre une autre ethnie, les Tekes, qu’ils n’appréciaient déjà pas beaucoup. On ignore si c’était pour récupérer le masque magique. Résultat : 300 morts au moins et 160 000 personnes obligées de fuir. C’est un peu comme si les Normands et les Bretons partaient en guerre contre les Basques à cause d’un dolmen. On imagine l’embarras du roi Philippe qui croyait bien faire. S’il rend les milliers d’autres objets comme prévu, ça risque d’être sanglant.