Le Figaro Magazine

“J’étais un enfant soldat pour 50 dollars par mois”

Originaire du quartier de la Reynerie, à Toulouse, Amza a été emmené en Syrie en 2013. Son destin a été façonné par les mauvais choix d’une mère radicalisé­e fuyant sa famille.

- Propos recueillis par Chris Huby

Comment c’était, à Raqqa ?

Les premiers jours, j’étais malheureux. Je ne voulais pas être là. Un jour, j’ai vu quelqu’un couper la tête d’un autre. Au début, j’étais choqué, je me suis dit : « Qu’est-ce qu’il a fait, ce type ? » Mais au bout d’un moment, tu t’habitues, t’es obligé… Si je commençais à vouloir parler aux gens qui faisaient ça, ils me disaient : « Va apprendre l’Islam ! »

As-tu été entraîné par les djihadiste­s adultes ?

J’avais 15 ans. Je leur ai dit que je voulais travailler. Là, ils te « checkent » sur tout. Ensuite, ils te forcent à apprendre la charia pendant quinze jours. Après, pendant trois semaines, ils te montrent comment te servir d’une kalachniko­v ou d’un RPG. Et puis, cash, ils te mettent sur le terrain. Pour 50 dollars par mois.

Il y avait d’autres enfants avec toi ?

Des dizaines de garçons de 15 ans. D’autres avaient moins et se vieillissa­ient pour partir à la guerre. Ils crânaient : « On veut combattre pour le califat ! » Mais, pour la plupart, c’était juste pour les armes et l’argent.

Tu te sens comment à ce moment-là ?

Je me disais : « Enfin, je suis un homme. » Plus personne ne m’embêtait. J’étais libre, j’avais des armes à la main ! Mais, en réalité, j’étais juste un jeune con.

Comment ça se passait sur le terrain ?

Les chefs, ils t’obligeaien­t à combattre. Mais, sur le front, on ne voit pas l’ennemi, il y a beaucoup de distance. On tirait devant. J’aimerais bien ne pas avoir tué de gens… Dès la deuxième fois, j’ai pris une balle qui m’a traversé le corps. J’ai été paralysé pendant un an. Une punition. Quand je vais mourir, Dieu, il va me demander : « Pourquoi t’as fait ça ? » Aujourd’hui, tu en veux à ta mère ? Oui, parce qu’elle m’a ramené ici. Elle voulait partir de France. Elle n’a trouvé que la Syrie ! Ça fait six ans que je suis en prison. Alors que si j’étais en France, j’aurais fini l’école et je serais peut-être déjà marié.

Où est ta mère ? Ma mère est devenue paralysée après la bataille de Baghouz. Elle aurait dû rentrer en France se faire opérer, mais elle ne voulait pas partir sans moi. Elle est morte à cause de ça. Moi j’étais déjà dans un centre. Je ne savais pas, sinon je lui aurais dit de rentrer. Ça m’a démoli.

Comment vois-tu ton avenir ? Le président Macron a dit qu’il reprendrai­t tous les Français. Donc, j’ai un espoir… Ma famille, elle a fait une énorme connerie, mais moi, je n’y suis pour rien. On est venus en Syrie de force, on a goûté la galère.

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