LES 24 HEURES DE GENÈVE
Que retenir des lignes de force du millésime 2024 de Watches and Wonders parmi plus d’une centaine de nouveautés présentées par les 54 maisons présentes au salon genevois ? Réponse subjective, en 24 coups de coeur chrono.
Watches and Wonders, le grand salon horloger genevois, est un révélateur de l’air du temps, un instantané des tendances. Pour nombre d’amateurs de belles montres, le classique reste ce qu’il y a de plus chic. Cette année, les maisons se détournent des effets de manche et formulent plutôt des propositions assez subtiles. Quand Baume & Mercier, proche de l’univers de Pierre Soulages, revendique une inspiration parisienne et prouve le caractère contemporain des lignes géométriques indémodables de son modèle Hampton avec une version All Black, au cadran uniformément noir, H. Moser & Cie mise, au contraire, sur un cadran en laque transparente avec un effet fumé et un original vert « Cosmic Green » pour réveiller son modèle Pioneer Centre Seconds au boîtier en acier de 40 mm. Pour sa part, la manufacture familiale Chopard préfère, pour sa nouvelle L.U.C XPS Forest Green, une tonalité plus douce de vert et le graphique d’une découpe sectorielle. Cette pièce d’exception mise aussi sur la finesse et la performance avec son calibre L.U.C 96.12-L extra-plat (3,30 mm d’épaisseur seulement) doté d’un micro-rotor bidirectionnel et de deux barillets superposés selon la technologie Chopard Twin. Parmigiani Fleurier a décidé d’aller vers l’épure en dévoilant une nouvelle pièce allant à l’essentiel, avec seulement deux aiguilles et des index. Pas de guichet de date. Le but : « offrir au “puriste des puristes” un objet qui incarne la clarté absolue. » Jouer sur les coloris est également une piste évidente.
L’ÉLÉGANCE REVIENT EN FORCE
Les amateurs de cadrans purs aux indications précises considéreront avec intérêt la Classic Moonphase Date Manufacture, inaugurant le nouveau mouvement maison de Frédérique Constant, le calibre Manufacture FC-716, doté d’un barillet inédit assurant trois jours de réserve de marche, tandis que les tenants du style sportif découvriront l’Alpiner Extrême Quartz d’Alpina, équipée du mouvement AL-220, et proposée avec des cadrans dont les couleurs (bleu glacier, rose lumineux, vert pastel) évoquent les paysages alpins. Jouant avec les codes du classicisme, certaines maisons poussent le curseur un peu plus loin, avec des expressions audacieuses par leur sophistication, sur la forme comme sur
“ENTRE LE ROND IMPRÉCIS DU BOÎTIER ET LE CERCLE PRÉCIS DE LA LUNETTE”
le fond. Tel est l’approche d’Hermès avec son nouveau boîtier Cut, d’une grande originalité et doté d’un mouvement automatique maison. « Cette forme simple est un paradoxe entre forme et complexité. Quand vous regardez cette montre à distance, vous la voyez ronde, précise Laurent Dordet, directeur général d’Hermès Horloger. Plus la focale va se rapprocher et plus vous allez rentrer dans le détail. C’est une forme entre le rond imprécis du boîtier et le cercle très précis de la lunette. Cette montre, nous avons souhaité la couper. D’où le nom : Cut. La typographie du cadran, faite pour cette forme originale ni ronde ni carrée, est en rapport avec le boîtier. Petite particularité : nous avons supprimé la date, car je trouve que la date, parfois, déséquilibre cette typographie, coupe le rythme. Chez Hermès nous avons plutôt tendance à retirer des choses pour garder l’essentiel. » Une montre versatile grâce à ses bracelets en caoutchouc coloré interchangeables.
LA SOPHISTICATION L’EMPORTE SUR LE CLASSICISME
Autre manière d’apporter de la sophistication : varier les matières. Pour sa nouvelle exécution irréprochable dans la collection Evolution 9, Grand Seiko dévoile une version en édition limitée (réf. SLGW002. 80 exemplaires) de sa montre au mouvement à remontage manuel Hi-Beat, d’une fréquence de 36 000 alternances par heure et disposant de 80 heures de réserve de marche, avec un boîtier en or rose 18 carats. Le cadran texturé apporte aussi de la sophistication à cette pièce classique. Son motif évoque l’écorce des bouleaux blancs voisins du Grand Seiko Studio Shizukuishi, la manufacture du nord du Japon où sont produites toutes les montres mécaniques signées Grand Seiko. Avec sa Lady Brise d’été, le joaillier Van Cleef & Arpels poursuit ses explorations poétiques de l’horlogerie, en s’appuyant sur la magie de savoir-faire exceptionnels tant pour la composition des cadrans que pour les animations automates. Pour sa part, Trilobe complète sa collection Les Matinaux en ajoutant
une phase de lune à sa complication excentrique spécifique. Baptisé « L’Heure Exquise », ce garde-temps raffiné et singulier entend défendre une vision lyrique des complications horlogères. Repousser les limites est une forme d’exaltation, et Bulgari excelle à nouveau dans le domaine de la finesse puisque la nouvelle Octo Finissimo Ultra COSC offre à la manufacture horlogère de la maison romaine de joaillerie son neuvième record du monde de minceur. Avec seulement 1,70 mm d’épaisseur, il s’agit de la montre mécanique résistante aux chocs et aux champs magnétiques la plus plate jamais conçue, comme en atteste sa certification par le Contrôle officiel suisse des chronomètres. Une référence.
LISIBILITÉ DES INDICATIONS ET MAÎTRISE DU TOURBILLON
DES COMPLICATIONS SÉDUISANTES
Les amoureux de cadrans recherchés seront sensibles à la nouvelle collection Promenade de Czapek & Cie. « Avec les montres comme avec les gens, le cadran – ou le visage – révèle une grande partie du caractère dès la première rencontre, et le choix de la montre que nous portons révèle un peu de notre âme », selon Xavier de Roquemaurel, à la tête de la marque indépendante de haute horlogerie contemporaine.
Naturellement, les montres porteuses d’une complication, aristocratie du genre, font aussi partie des plus attendues et des plus remarquées chaque année à Watches and Wonders. Le millésime 2024 est essentiellement marqué par deux directions créatives : l’une au service de la lisibilité des indications, l’autre autour de la maîtrise du tourbillon. Dans le premier cas, Patek Philippe renouvelle le genre du quantième perpétuel avec sa référence 5236P, plaçant dans un cadran opalin doré or rose – signe d’un boîtier en platine – une originale lecture sur une seule ligne du jour, de la date, et du mois. Ce tableau de bord à la compréhension immédiate nécessite quatre disques alignés sur un même plan. Une construction complexe qui a prédestiné au développement du calibre 31-260 PS QL extraplat à remontage automatique, détenteur de trois nouveaux brevets. Si Laurent Ferrier fait aussi une démonstration de
DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
MAJEURES
sa virtuosité en introduisant dans ses collections son premier calendrier annuel avec phase de Lune avec sa nouvelle Classic Moon Blue & Silver, proposée dans un boîtier en acier ou en or rouge, la manufacture allemande A. Lange & Söhne brille en proposant son spectaculaire chronographe retour en vol avec un compteur de précision à minutes sautantes, doté en outre d’un quantième perpétuel et d’un tourbillon avec mécanisme d’arrêt secondes. Présenté dans un boîtier en or « Honeygold » à la teinte de miel spécifique à la marque, il assume sa finition « Lumen », translucide et luminescente. Pour les tourbillons, particulièrement à l’honneur cette année, comment ne pas souligner la performance de Pequignet, à l’heure où la grande marque horlogère française introduit son premier tourbillon volant ? Outre son Calibre Royal Tourbillon, cette montre se signale par son élégant boîtier en or rose de 44 mm de diamètre pour 11,70 mm d’épaisseur, et par son cadran bleu texturé goutte d’eau. « Avec ce tourbillon, nous sommes dans le classicisme horloger, mais il a été travaillé pour être hyperaérien. La cage du tourbillon, en titane, est montée sur un micro-roulement à billes afin de garder de ce côté très léger, qui permet d’enchâsser l’axe de la cage. C’est un tourbillon ultraléger », commente avec enthousiasme Hugues Souparis, président de Pequignet.
VERTIGES DES TOURBILLONS
Pour sa part, Roger Dubuis propose une relecture moderniste et variée du sujet avec pas moins de quatre pièces à tourbillon : l’Excalibur Titanium Monotourbillon, l’Orbis In Machina, l’Excalibur Sunrise Double Tourbillon et l’Excalibur Dragon Monotourbillon. En contrepoint, la nouvelle Freak S « Nomade » d’Ulysse Nardin, ose apposer le mouvement UN 251 incorporant des innovations technologiques majeures comme son double oscillateur en silicium. Enfin, Rolex, la marque reine, ne joue pas sur le cadran de sa GMT-Master, mais sur un disque de lunette Cerachrom gradué 24 heures bicolores en céramique grise et noire simplement élégant.
L’innovation est aussi l’un des champs d’expression naturelle de l’horlogerie, comme le démontre avec brio la Chronométrie Ferdinand Berthoud, notamment avec ses propositions d’habillages personnalisés au choix du client, de son calibre FBRES.FC, régulé par une fusée-chaîne et un remontoir d’égalité une seconde. Près de 200 combinaisons sont possibles puisque l’on peut configurer non seulement le boîtier – rond ou octogonal – mais aussi la matière (acier, or gris, jaune, rose, platine, titane ou titane céramisé), la couleur du cadran, celle du rehaut, et même certaines finitions. Si ce garde-temps s’appuie sur des qualités chronométriques hors normes, il se distingue aussi par l’originalité de sa proposition esthétique à la carte. Tandis que Bell & Ross fait preuve de sa capacité permanente à se réinventer en offrant une relecture en céramique noire de sa BR 05, sa pièce élégante, sportive et urbaine, mais aussi avec une audacieuse BR X-5 en titane, Zenith fait évoluer la proposition moderniste de sa ligne Defy avec une ligne de chronographes à trois compteurs, baptisée Defy Skyline. Sportifs, ils sont proposés en trois versions de cadrans (bleu, blanc ou noir) et embarquent une évolution performante du célèbre mouvement El Primero, avec une roue d’échappement en silicium. Un calibre de légende qui se trouve porté à une fréquence de 5 Hz, soit 36 000 alternances par heure.
L’ORIGINALITÉ D’UNE PROPOSITION ESTHÉTIQUE À LA CARTE
DE PLUS EN PLUS PERFORMANTES
Un gage d’efficacité pour ce mouvement doté de 60 heures de réserve de marche et réglé pour mesurer des temps au dixième de seconde. Tandis que Hublot réinvente dans une teinte orangée inédite sa Spirit of Big Bang au boîtier de forme tonneau, Montblanc, avec sa nouvelle plongeuse extrême testée à 4810 mètres de profondeur, adapte sa technologie en faisant le vide dans le boîtier à l’univers nautique. Autre innovation, une matière spécifique pour les boîtiers, capable de capter le CO issu de la production de biogaz et des déchets minéraux des usines de recyclage, grâce à un processus de dissolution et de carbonatation du calcium.