“Les JO rendent visibles les changements de nos sociétés”
Pour l’écrivain et historien, les Jeux modernes ont marqué durablement l’histoire des pays et des villes qui les ont accueillis. Mais certaines innovations, comme la place des femmes dans les compétitions, ont mis des années à se concrétiser.
Quelles sont les « grandes premières » qui ont marqué l’histoire des JO ?
D’abord, et on l’oublie trop souvent, les premiers Jeux olympiques modernes ne sont pas dus à Pierre de Coubertin mais, un siècle plus tôt, à la Révolution française… C’est le représentant du peuple Gilbert Romme, membre de la Convention, qui eut l’idée, approuvée par Danton, de rétablir les Jeux antiques. Condamné à la guillotine, il se donna la mort en 1795 sans avoir vu la réalisation de son rêve. Mais le projet lui survécut et, en 1796, 1797 et 1798, la France organisa au Champ-de-Mars des « Olympiades de la République », terminées par une course de chars. Avec Coubertin, les Jeux olympiques modernes renaissent à Athènes en 1896. Mais le cérémonial que nous connaissons va mettre des décennies à s’élaborer. Ainsi, les médailles d’or, d’argent et de bronze, une invention américaine ne sont décernées qu’à partir des JO de Saint-Louis (Missouri), en 1904. Le défilé des délégations nationales, par ordre alphabétique, a lieu pour la première fois à Londres, en 1908 ; la Grèce n’obtint qu’en 1928, aux Jeux d’Amsterdam, de marcher en tête. Le célèbre drapeau olympique, aux cinq anneaux figurant les continents, n’est dessiné par Coubertin qu’en 1913 : il doit attendre 1920 pour flotter sur les Jeux, à Anvers, faute de JO en 1916… En 1928, à Amsterdam, pour la première fois s’embrase une grande vasque porteuse de la flamme olympique. Mais le flambeau a été allumé sur place. Quant au fameux relais de la flamme, c’est un lointain héritage de la propagande nazie, à l’époque où l’Allemagne voulait faire croire qu’elle reprenait le flambeau mythifié de la civilisation aryenne. Il revêt aujourd’hui un tout autre sens, celui de la fraternité universelle : c’est l’ironie de l’Histoire.
Les JO révolutionnent-ils la société ?
Les JO ont donné une visibilité mondiale aux manifestations du changement. On le voit très bien à travers la question du sport féminin. Comme aux Jeux antiques, les femmes furent totalement absentes des JO de 1896, à Athènes. Les premières championnes apparaissent aux JO de 1900, à Paris. Il fallut l’activisme d’Alice Milliat, organisatrice de Jeux mondiaux féminins en 1922, pour que les femmes soient admises aux épreuves d’athlétisme, aux JO d’Amsterdam en 1928. Les JO ont aussi donné l’occasion aux minorités de se manifester avec éclat, comme le firent Tommie Smith et John Carlos en levant le poing ganté de noir aux Jeux de Mexico en 1968, ou Cathy Freeman brandissant le drapeau aborigène en l’an 2000 à Sydney.
Quels sont les héritages de Paris 1924 ?
Les JO de 1924 furent d’abord les premiers « Jeux olympiques d’été ». Ils furent marqués par deux innovations : la devise olympique et, en clôture, le lever des trois drapeaux, celui de l’olympisme, celui du pays hôte et celui du prochain pays d’accueil. Localement, il en subsiste quelques infrastructures, comme le stade de Colombes, construit pour les accueillir, avec le premier village olympique. Les épreuves de natation eurent lieu Porte des Lilas, où se trouve toujours la piscine des Tourelles, bâtie pour l’occasion. D’autres épreuves eurent lieu à Versailles, Meulan, Reims : l’idée du « Grand Paris » était déjà en germe… En tout cas, on n’imaginait pas de bloquer le centre de la capitale pour des jeux.
Parlez-vous poloche ? Petit dictionnaire d’argot politique et parlementaire de 1789 à nos jours