SHARLEEN SPITERI L’âge de raison
Avec son groupe Texas, la chanteuse livre un superbe album piano-voix, réalisé avec Spooner Oldham, grande figure de la scène musicale américaine. L’occasion de découvrir les tubes de la formation écossaise dans un registre soul-gospel.
La même coupe à la garçonne, la même allure juvénile, le même accent chantant, le même débit enthousiaste… En observant Sharleen Spiteri dans ce restaurant parisien où elle a ses habitudes, on jurerait que le temps s’est arrêté en 1989. Une année inoubliable pour elle et ses admirateurs. Son groupe Texas, fondé quatre ans plus tôt, déferlait sur les ondes françaises avec le titre I Don’t Want a Lover. Un potentiel confirmé sur l’album Southside. Aucune panne d’inspiration sur les neuf disques suivants, chacun possédant un ou deux (voire trois) tubes en puissance ! La preuve avec cette compilation inédite *, fruit de la collaboration entre la formation et le virtuose américain Spooner Oldham. On y retrouve avec plaisir les morceaux les plus emblématiques du groupe de Glasgow, revisités en pianovoix dans un registre soul-gospel si apprécié par eux. Concocté au mythique Fame Recording Studio (en Alabama), le résultat s’avère aussi séduisant qu’inattendu. À l’image de la composition Halo, énergique dans son aspect initial et apaisée dans sa nouvelle version, qui ouvre le bal. « C’est une chanson très brute à l’origine, écrite en réaction à un événement, note Sharleen Spiteri. Là, elle délivre un autre message, comme si j’avais trouvé une réponse à mes questions. » Suivent Summer Son, Say What You Want ou Black Eyed Boy, réorchestrées avec la même grâce. Un ensemble – enrichi de Save the Last Dance des Drifters et de Would I Lie to You de Charles et Eddie – qui démontre la belle souplesse des pépites de Texas. À une exception près.
« Nous avons envoyé la liste à Spooner Oldham, et nous avons été soulagés par le fait qu’il n’écarte que Inner Smile, qu’il jugeait trop sautillante », indique Sharleen Spiteri. Aurait-elle jadis accepté ce choix sans émettre une réserve ? Connue pour son franc-parler, cette mère de famille épanouie reconnaît avoir pris du recul sur bien des sujets. Loin du fracas des débuts. « Nous étions très jeunes, nous devions participer à une émission de Noël en France, se souvient-elle. Il y avait un décor en forme de montagne, avec une patinoire. Nous étions éloignés les uns des autres. J’ai dit à la production : “Désolée, on est un groupe. Votre mise en scène, ce n’est pas du tout notre truc.” On a quitté le plateau. Aujourd’hui, je ne le referais plus.»
AIRS INTEMPORELS
Un caractère fort qui explique en partie la longévité exceptionnelle de Texas. « Ai-je été difficile durant ces années ? Je ne le pense pas. En revanche, j’ai tout fait pour préserver le groupe, pour que nous puissions continuer à réaliser nos rêves d’adolescents et assurer notre tranquillité. » Mission accomplie, comme celle d’avoir livré des airs intemporels. « Je n’y pense que ponctuellement. Je sais que nous avons un catalogue solide. Ce que je trouve particulièrement cool, c’est quand ma fille me raconte que notre musique est jouée par des DJ et reprise par la nouvelle génération. »
On lui rappelle les hommages variés qu’elle a rendus, elle aussi, à ses aînés. Ainsi à Serge Gainsbourg, dont elle a utilisé des extraits de Je t’aime… moi non plus sur Guitar Song. « J’aime beaucoup cette chanson de nous, j’aurais souhaité qu’elle soit plus connue du grand public. » Détail réjouissant : la France tient une place importante dans son coeur. « J’aime votre culture, votre humour un peu acide comme à Glasgow. Et puis, mon grand-père a vécu à Bordeaux. Je me rappelle de dîners organisés là-bas. Tout le monde était assis à la même table, les grands et les petits, et mangeait la même nourriture. C’était nouveau pour moi », conclut la rock star, qui se produira le 18 juillet au théâtre antique d’Arles, pour fêter avec Texas les 30 ans du label Pias France. La même fidélité, le même sourire…