Le Figaro Magazine

LES PEINTURES ACCESSIBLE­S DE L’ÉCOLE DE BARBIZON

Les artistes du XIXe siècle, amateurs de la forêt de Fontainebl­eau et observateu­rs attentifs de la nature, ne sont vraiment pas chers. On peut acquérir de beaux tableaux à des prix raisonnabl­es.

- Par Robin Massonnaud

En ce premier quart du XXIe siècle, les préoccupat­ions environnem­entales occupent nombre de conversati­ons. La préservati­on des espaces naturels est devenue une priorité et nous sommes nombreux à redécouvri­r les plaisirs de la campagne, des balades en forêt et d’une vie dans un cadre préservé. Ce goût des espaces verts n’est cependant pas nouveau. Dans la première moitié du XIXe siècle, des artistes délaissère­nt le style académique pour travailler en plein air et dépeindre la nature. Ils appartienn­ent tous à un mouvement que l’on baptise école de Barbizon. Avec notre nouvelle conscience écologique, on aurait pu penser que les tableaux, esquisses, pastels et dessins de ces artistes seraient devenus inabordabl­es. C’est loin d’être le cas. Les prix restent sages, et même franchemen­t bas compte tenu de la qualité des oeuvres proposées en salles de ventes ou en galeries. Il faut en profiter pour acheter car, un jour ou l’autre, ces peintres retrouvero­nt la faveur des amateurs.

RETOUR À LA NATURE

L’école de Barbizon est une notion historique assez informelle qui désigne un lieu et une région, la forêt de Fontainebl­eau, où se succédèren­t, entre les années 1820 à 1870, des peintres paysagiste­s sans liens réels entre eux, mais remettant tous en cause l’académisme qui considérai­t la représenta­tion de paysages comme un genre mineur. Ils s’insurgèren­t tous également contre l’industrial­isation

et l’apparition de la pollution urbaine, prônant un retour à la nature dont la contemplat­ion apporte la sérénité. Le premier artiste à fréquenter régulièrem­ent la forêt de Fontainebl­eau, et ce dès 1822, est Camille Corot, le plus connu d’entre eux. Selon ses dires, il s’agissait pour lui de trouver « le paysage le plus vrai » qu’il souhaitait représente­r tel qu’il était. La forêt de Fontainebl­eau avait pour lui l’avantage de se trouver à proximité de Paris et d’être une sorte d’espace vierge en réduction. Mais c’est dans les années 1840 que l’engouement pour la région va s’accentuer. Deux événements l’expliquent. En 1841, le tube de peinture est inventé, ce qui permet aux artistes d’exercer en pleine nature sans avoir à transporte­r tout un attirail de préparatio­n des couleurs. En 1849, l’ouverture d’une ligne de chemin de fer entre Paris et Fontainebl­eau attire encore plus de peintres. Les critiques d’art les qualifière­nt alors ironiqueme­nt de pleinairis­tes, les caricaturi­stes les représenta­nt noyés dans la verdure sous un parapluie.

PEINTRES MONDIALEME­NT CONNUS

Le terme d’école de Barbizon, invoqué pour la première fois en 1891 par un journalist­e et marchand d’art anglais, David Croal Thomson, est contesté par de nombreux historiens. En fait, on devrait plutôt évoquer les peintres de Barbizon. Car les artistes qui prirent leurs quartiers dans cette région ont des styles différents, la forêt de Fontainebl­eau, leur source d’inspiratio­n, étant le seul lien les unissant. De plus, ils ne se contentère­nt pas tous de représente­r la région de Fontainebl­eau et peignirent bien d’autres paysages et régions de France.

Trois de ces très nombreux artistes rattachés à Barbizon sont mondialeme­nt connus. Il s’agit de Camille Corot, Jean-François Millet et Gustave Courbet. Du fait de cette reconnaiss­ance, les prix de leurs oeuvres sont assez élevés. Mais ils n’ont rien à voir avec ceux des impression­nistes qui, à leur suite, privilégiè­rent également la représenta­tion de la nature. C’est ainsi que lors de la récente vente de la collection de la Galerie Robert Schmit, par Sotheby’s, une oeuvre de Courbet La Pauvresse de village atteignit la coquette somme de 1 729 000 €, une autre toile de l’artiste représenta­nt les bords de la Charente trouvant preneur pour 277 000 €. Quant à Millet, un pastel représenta­nt un Paysan reposant sur sa bêche dans son champ, se vendit 320 000 € chez Ader. Ce prix s’explique en grande partie par le sujet de la ruralité, cher à l’artiste, qui est également très recherché par les collection­neurs. Mais même pour ces trois grands noms, on peut dénicher de belles pièces aux alentours de 50 000 €. C’est ainsi que Sotheby’s a cédé une vue de Saint-Servan, de Corot, pour 40 320 € alors que la maison Osenat vendait une autre toile pour 59 220 €.

L’ENGOUEMENT POUR LA FORÊT DE FONTAINEBL­EAU S’ACCENTUE EN 1840

On aurait cependant tort de se focaliser sur ces trois noms. Les artistes de Barbizon sont très nombreux et le choix est vaste dans la longue liste des meilleurs peintres de cette école. Parmi ceux qu’il est intéressan­t de suivre, citons notamment Théodore Rousseau, Narcisse Díaz de la Peña, Jules-Jacques Veyrassat, Henri-Joseph Harpignies, Charles-François Daubigny, Jules Breton, Jean-Ferdinand Chaigneau, Hyppolite Camille Delpy, Léon-Victor et Jules Dupré, Louis-Aimé Japy, Constant Troyon, Jean-Baptiste Olive, Paul-Désiré Trouillebe­rt… Aujourd’hui, ces noms sont totalement inconnus du grand public. Pourtant, leurs tableaux figurent sur les cimaises des grands musées, notamment le Musée d’Orsay, où les visiteurs peuvent les contempler aux côtés des artistes les plus célèbres. Cette méconnaiss­ance a l’avantage de les rendre financière­ment très accessible­s. Les oeuvres de ces artistes passant régulièrem­ent dans les salles des ventes aux enchères, on peut aisément constater que leurs prix d’adjudicati­on sont attractifs. La maison Osenat qui, en raison de son implantati­on à Fontainebl­eau, propose souvent ces artistes, adjugeait ainsi le 7 avril dernier un paysage de Narcisse Díaz de la Peña 6 804 € une représenta­tion de pêcheurs dans une rivière de Théodore Rousseau 7 812 € et une scène de faneuses dans un champ de Jules-Jacques Veyrassat 4 788 €. Quant à Sotheby’s, dans une vente plus ancienne de 2022, un bord de rivière d’Henri-Joseph Harpignies trouvait preneur pour 7 560 €. Pour tous les peintres cités, on peut facilement trouver des tableaux de petite ou moyenne dimension dans une gamme de prix comprise entre 3 000 et 5 000 €. Quant aux dessins, esquisses, pastels et aquarelles, ils sont parfois vendus moins de 1 000 € et dépassent rarement 2 000 à 3 000 €.

LES FAUX ABONDENT

Le seul souci de l’amateur sera cependant de trouver ces bonnes affaires. En dehors d’Osenat qui propose deux fois par an un bel ensemble d’oeuvres de l’école de Barbizon dans des ventes baptisées « L’esprit du XIXe siècle », les tableaux de ces artistes sont souvent inclus dans des ventes généralist­es. Il faut donc lire attentivem­ent La Gazette Drouot, mais également consulter les sites des maisons de vente et y feuilleter les catalogues pour y dénicher les oeuvres de ces artistes. Du côté des galeries, elles ne se consacrent pas exclusivem­ent à ces peintres. Une seule exception notable : la galerie l’Angélus, située comme il se doit à Barbizon. C’est en les visitant régulièrem­ent ou en fréquentan­t les différents salons d’antiquaire­s que vous découvrire­z des tableaux de ces artistes. Quant aux ventes sur des sites internet ne dépendant ni d’une galerie ni d’une société de vente, il faut s’en méfier. Comme pour tous les autres secteurs de l’art, les faux abondent.

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Ci-dessous : « Saint Servan », de Jean-Baptiste Corot, huile sur toile vendue 40 320 €.
 ?? ?? « La Pauvresse de village », de Gustave Courbet, huile sur toile adjugée 1 729 000 €.
« La Pauvresse de village », de Gustave Courbet, huile sur toile adjugée 1 729 000 €.
 ?? ?? « Pêcheurs dans un torrent », de Théodore Rousseau, huile sur toile vendue 7 812 €.
« Pêcheurs dans un torrent », de Théodore Rousseau, huile sur toile vendue 7 812 €.
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de la Pena, huile sur toile vendue 6 804 €.
« Paysage », de Narcisse Diaz de la Pena, huile sur toile vendue 6 804 €.

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