IN MEMORIAM
Neuf mois, de Philippe Garnier, Éditions de l’Olivier, 117 p., 17,50 €.
Neuf mois. Pour la plupart, c’est ce qui annonce la naissance d’un enfant. Pour Philippe Garnier, cela a été le temps que sa femme américaine disparaisse après plus de trente ans de vie commune, atteinte d’un cancer de l’estomac… Une génération a eu Chancel ou Pivot. Une autre a eu Garnier. D’abord journaliste de rock (le meilleur en France) installé en Californie dès 1975, l’homme, loin d’être monomaniaque, a cultivé ses autres passions : le 7e art (en particulier dans l’émission légendaire « Cinéma, Cinémas ») et la littérature américaine. En les traduisant ou en écrivant sur eux, Garnier a fait découvrir Bukowski, John Fante, James Crumley, Cormac McCarthy, et exhumé des pépites oubliées comme Une poire pour la soif de James Ross, authentique chef-d’oeuvre. Dès que ses articles sortaient, une multitude de jeunes gens se ruaient dans les librairies. Neuf mois est son premier livre personnel. Il y consigne l’accompagnement de sa femme Elizabeth, qui avait refusé tous les soins sauf ceux atténuant la douleur. Le récit est court, intense. Il note ces derniers moments de vie, une brève mais lente agonie, évoque quelques souvenirs : une baignade dans le Mississippi, un peu de kayak, une randonnée à cheval dans les paysages chers à John Ford, une soirée chez Bukowski. Madame s’intéressait à la botanique et était partie en guerre contre les pesticides. Elle voulait être romancière sans y être vraiment arrivée. Garnier est pudique. Le mot « amour » n’apparaît nulle part. Il n’y a pas de larmes, ni de colère, ni de dépression post mortem. Il ne souhaite pas être émouvant. C’est en cela qu’il l’est.